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situées, dont aucun moyen humain ne saurait plus rien faire qui vaille. Dans ces deux classes d’établissemens défectueux, le fer n’a été obtenu que moyennant un surplus de frais de production. Voilà comment, sur les 1,200 millions qui forment le subside imposé au pays par les lois de douane sur les fers, 7 à 800 ont été dévorés, sans que le pays en masse en ait eu le moindre retour. Et qu’on ne se targue pas de ce que des ouvriers, en ont vécu : les mêmes ouvriers eussent vécu du roulement du capital qui est consacré à ’l’industrie des fers, sans que le pays perdît les 7 ou 800 millions stérilement absorbés en frais de productions supplémentaires, si le capital, engagé dans la plupart de nos forges s eût reçu une destination plus raisonnable ; si, appliqué aux industries, où nous brillons, il eût servi à faire des objets que nous eussions donnés en échange aux pays producteurs de fer ; car, par cet échange, la France aurait eu son approvisionnement de fer pour 7 à 800 millions de moins.[1] et ces industries vivaces, naturelles, vers lesquelles les populations ouvrières se fussent dirigées, nourrissent leur monde tout aussi bien que celle des fers[2].

En résumé, on exprime, au nom du système protecteur, une prétention sans fondement, lorsqu’on dit qu’il lui appartient par privilège d’augmenter la masse du travail national et la richesse du pays. Il n’y parviendrait qu’autant que l’inscription d’une loi protectioniste dans le code aurait l’effet miraculeux de faire tomber du ciel un capital supplémentaire spécialement destiné à faire marcher l’industrie protégée. Or, ceci est tout aussi impossible que cette autre imagination d’après laquelle, en mettant en œuvre une planche aux assignats et en plaçant sur la porte d’une maison quelconque dans chaque village un écriteau portant ces mots : Institution de crédit, quelques novateurs se sont flattés de susciter immédiatement des capitaux à discrétion pour tout le monde. Pour former du capital, la recette, malheureusement, n’est pas aussi simple.


III. – NOMBREUX POINTS DE CONTACT ENTRE LA DOCTRINE PROTECTIONISTE ET LES DOCTRINES SOCIALISTES.

Ce n’est pas sans dessein que je fais ce rapprochement entre les notions de l’école protectioniste au sujet du capital et celles de quelques-unes

  1. Indépendamment de la somme de 4 à 500 millions ci-dessus notée, qui a été prise au consommateur pour les propriétaires de bois (état ou particuliers) ou les maîtres de forges, et qui forme le complément des 1,200 millions indiqués plus haut. Ces 4 à 500 millions ne sont pas, on l’a vu, nécessairement perdus pour le pays.
  2. Je tiens à faire remarquer que parmi ces industries vivaces, naturelles, se trouverait l’industrie des fers elle-même La concurrence extérieure l’eût transformée. Nous avons des forges qui sont faites pour résister à toutes les épreuves, les unes à cause de la qualité des produits, les autres par l’abondance des minerais et de la houille.