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en croissant pour une même quantité de population, afin que chacun soit mieux ou moins mal nourri, mieux ou moins mal vêtu, mieux ou moins mal chauffé, éclairé, nippé, meublé ; que la société, dans son ensemble, soit mieux ou moins mal pourvue de livres, de musées, d’églises, de monumens, de tout ce qui répond enfin à nos facultés que la civilisation rend de plus en plus multiples, semblable à un habile lapidaire qui met à nu chacune des facettes que le clivage moquait dans un diamant. C’est de cette manière que graduellement la société devient de plus en plus riche, ou de moins en moins pauvre ; c’est ainsi que le problème de la vie à bon marché reçoit une solution de moins en moins incomplète. Pour se conformer à cette tendance salutaire, pour contenter ce besoin chaque jour plus ardent, les sciences et les arts sont en action, tous les ressorts sont tendus. Les résultats qu’on obtient depuis un siècle environ sont merveilleux, car la masse des productions diverses qui se répartissent entre les hommes grandit à vue d’œil, aussitôt que la société jouit du calme. La puissance productive du travail humain, envisagée dans l’avenir, semble indéfinie. Perspective consolante pour les ames généreuses qu’attriste le spectacle de la misère, et rassurante pour les hommes d’état qui appellent de leurs vœux et de leurs efforts l’époque où les révolutions cesseront d’avoir la misère à leur disposition, comme un levier avec lequel il est facile d’ébranler la société ! Cette augmentation continue de la puissance productive des nations est l’effet de plusieurs causes. Les machines et les appareils nouveaux de toute sorte, qui mettent en jeu, à notre place et de mieux en mieux, les forces de la nature, y poussent avec un grand succès. La concurrence intérieure y contribue surtout s’il se forme des capitaux en abondance dans le pays. La concurrence étrangère y coopérant aussi avec une énergie remarquable, quand elle n’est pas amortie par le tarif des douanes, c’est donc un aiguillon qu’on ne saurait se dispenser de mettre en jeu ; car la nécessité d’arriver avec toute la célérité possible à la vie à bon marché nous est imposée par les événemens avec une autorité qui n’admet pas l’hésitation et ne supporte pas les retards.

Donnons, par un exemple la mesure de l’influence que peut exercer le système protecteur sur la richesse de la société. Prenons l’industrie des fers. Avant 1814, le droit sur le fer forgé n’était pas excessif. De 1844 à 1822, il fut de 165 francs par tonne (1,000 kilogrammes) de fer en grosses barres ; de 1822 à 1836, de 275 francs, toujours pour le fer en grosses barres quand il était fabriqué au charbon de terre (c’est le seul dont la concurrence puisse être efficace) et de 165 francs pour le fer martelé au bois. Depuis 1836 jusqu’à ce jour, il est resté à 206 fr. pour le gros fer à la houille. Le fer de moindre échantillon paie, selon les dimensions, environ moitié en sus, ou le double, et même plus