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le général voit armer Macha elle-même, qui vient implorer sa protection en faveur de Mitka; mais un autre solliciteur se présente en même temps devant le père repentant du yamtchik. Il est d’usage en Russie, lorsqu’un monastère est pauvre et qu’il a besoin de réparation, ou même lorsqu’on veut en construire un nouveau, de s’adresser à la piété publique. Un moine parcourt alors les villes et les campagnes, présentant aux fidèles un livre de psaumes fermé, et les fidèles déposent sur le vieux cuir de sa reliure une offrande ordinairement fort minime. C’est un de ces frères quêteurs qui survient au moment même où Mâcha implore le général; il s’approche lentement du vieil officier, qui s’empresse de satisfaire à l’usage pieux.

— Est-ce avec une conscience pure que tu fais ce don à Dieu, Alexandre Alexandrovitch? lui demande alors le moine. Vingt-cinq ans ne t’ont pas tellement changé, que je ne t’aie reconnu. Je suis l’oncle de l’infortunée Anouchka.

Le dénoûment de ce roman dramatique, préparé par l’arrivée du moine, respire une morale rigide et impitoyable. Le moine et le jeune Mitka déclarent le général déchu de ses droits paternels, car qui abandonne son enfant n’en est plus le père. — Mitka demeure donc yamtchik; il épouse sa chère Macha, délivrée enfin des assiduités de son persécuteur, qui s’est retiré devant la protection dont le général, pour mériter son pardon, entoure les deux jeunes gens.

Le mérite des scènes intitulées le Yamtchik est surtout dans la vérité locale; c’est un mérite que nous retrouvons encore, mêlé à une grâce touchante qui rappelle la Femme de l’Apothicaire, dans l’Histoire de deux paires de Galoches. Les galoches ne sont là, on le comprend, que pour servir d’occasion, ou, si l’on veut, de thème à la nouvelle. Sous ce titre, M. Solohoupe nous raconte les aventures d’un jeune musicien allemand que l’amour et l’espérance accueillent à Vienne et qui vient mourir de misère et de désespoir à Saint-Pétersbourg. L’introduction de cette histoire est d’un goût fort original. Un cordonnier nouvellement arrivé de Riga, M. Muller, qui se donne naïvement pour un bottier français, a été chargé de confectionner deux paires de galoches, l’une pour un conseiller de cour, l’autre pour le héros du récit, un pauvre artiste. Celles du conseiller sont prêtes les premières; c’était de droit; mais au moment de les porter à son noble client, M. Muller s’aperçoit que l’ouvrier à qui elles furent confiées, dans son état d’ivresse perpétuelle, les a défigurées. L’idée lui vient de changer la