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importées par l’Amérique anglaise. Encouragé par le succès de cette première entreprise, il proposa d’établir dans ces contrées les droits de timbre qui existaient en Angleterre. Cette mesure excita dans les colonies un mécontentement imprévu et comme une révolte générale de l’opinion. Elle blessa surtout l’Amérique, disons-le à son honneur, comme une violation de ses droits ; elle supposait en principe que l’Amérique pouvait être taxée par un parlement où elle n’était pas représentée : de là une lutte de prérogative entre la métropole et la colonie ; de là des remontrances, puis des résistances, puis l’insurrection, puis la guerre, puis enfin une révolution et le gouvernement des États-Unis.

Mille intrigues se croisaient autour du ministère Grenville. Comme il était devenu insupportable au roi, elles réussirent ; il tomba après avoir duré moins de deux ans. Pour faire place à un cabinet plus libéral, qui se forma sous la direction du marquis de Rockingham. Les ducs de Newcastle et de Grafton en firent partie. Un orateur distingué de l’opposition whig, le général Conway, fut secrétaire d’état, avec le rôle important de guide ou leader de la chambre des communes. Ce ministère, que protégeait encore assez froidement l’impérieux Pitt, paraissait un acheminement vers le sien : c’était un cabinet d’attente, et par cela même il était faible. Il lui fallait de la popularité : il rapporta l’acte du timbre. Cette concession tardive ne fit qu’encourager les colonies, enfin éveillées sur leurs droits de peuple libre. D’autres concessions suivirent celle-là ; elles eurent pour principal effet d’inquiéter le roi : il sentait bien que le tout était provisoire, et les fréquens changemens de cabinet auxquels il avait été condamné lui paraissaient un affaiblissement pour son autorité. Il commençait à croire, comme le public, que rien n’était définitif ou du moins solide là où Pitt n’était pas. Sans aimer ni comprendre sa politique, le roi ne haïssait pas sa personne : il trouvait en lui les formes pompeuses d’un humble respect et d’un affectueux dévouement. Les serviteurs de la cour se mirent donc à voter contre le ministère, et le marquis de Rockingham, qui jugeait la situation comme tout le monde, demanda à résigner son poste. Aussitôt le duc de Grafton, qui s’était retiré d’avance, devint premier lord de la trésorerie. Lord Camden fut chancelier ; Conway et le comte de Shelburne, secrétaires d’état ; Charles Townshend, qui promettait un grand orateur, chancelier de l’échiquier ; le marquis de Granby, célèbre et populaire par ses services dans la guerre de sept ans, eut le commandement général des troupes, et enfin Pitt, qui avait formé ce ministère, qui, pour y entrer, rompait avec lord Temple, Pitt n’accepta qu’un titre sans fonctions, celui de lord du sceau privé, et se fit ouvrir les portes de la chambre des lords sous le nom désormais immortel de comte de Chatham. Rien n’est