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le sait, ne figurait pas) ; les souvenirs de la guerre civile étaient récens. L’esprit whig, qui dominait dans le monde politique, tenait pour suspecte cette Écosse où il ne dominait pas. Ses montagnes semblaient l’asile du jacobitisme ou d’un royalisme inconstitutionnel qui n’avait changé que de dynastie. Bref, on ne voulait pas être gouverné par les Écossais. Ainsi, par la retraite de Pitt, le pouvoir restait affaibli de tout le vide que laisse un grand homme après lui, et l’Angleterre se croyait abandonnée sous le joug d’un favori et d’un étranger.

Dans cette situation, la paix de Paris, eût-elle été dix fois plus avantageuse, ne pouvait être bien accueillie. Il n’y avait pas de chance que l’honneur, quel qu’il fût, en revînt aux ministres. Quoique, en se retirant du cabinet. Pitt eût accepté des récompenses, et notamment une pension qui lui fut sévèrement reprochée, la renommée de son caractère en pouvait être altérée, mais non celle de son génie. La gloire politique de la guerre lui restait tout entière. De vastes conquêtes en demeuraient les durables monumens. En même temps, l’influence du grand ministre et du grand orateur se faisait sentir dans tous les débats où lui-même ne paraissait plus. Le ton de la tribune et de la presse s’était élevé ; les esprits se montraient plus hardis et plus violens. La discussion, de tout temps libre et vive, n’avait peut-être pas jusque-là manifesté les passions politiques sous les formes grandioses et menaçantes de la liberté des républiques anciennes. C’est le changement qui s’opéra vers cette époque. Jamais l’Angleterre, par le langage et la conduite des partis, n’avait encore aussi bien rappelé le sénat et le forum tels que nous les décrivent les lettres de Cicéron.

Les partis, dans un pays libre, ont leur histoire intérieure et leur histoire publique. Au dehors, ce qui les signalait particulièrement à l’époque qui nous occupe, c’était la violence, c’était l’appel fréquent. bruyant, audacieux, aux émotions du peuple. Au dedans, ce qui frappe, c’est l’activité non moins audacieuse de l’esprit d’intrigue, c’est l’infatigable ardeur de tous les membres de cette aristocratie enflammée de toutes les passions énergiques d’une nation libre, de toutes les passions licencieuses d’une société riche, à poursuivre par tous moyens les satisfactions de l’ambition, de l’avidité, de l’orgueil et de la vengeance.

Pour classer les hommes dans le parlement d’Angleterre, il ne faut pas trop se fier à la division usitée des whigs et des tories. L’histoire dément souvent l’opinion fort répandue de la permanence invariable des partis dans les deux chambres. Il n’est pas exact qu’ils aient été, comme on le dit, soumis toujours à la loi de perpétuité des familles. Il est arrivé, par exemple, que des opinions jacobites, par conséquent monarchiques et même absolutistes dans leur principe, aient, sous la maison d’Hanovre, entraîné dans l’opposition des hommes qui, pour