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cultivateur chinois deux infatigables auxiliaires : le buffle et la femme. Le buffle trace son sillon dans la fange la plus tenace; la femme suit par derrière, et plante, sans jamais se lasser, les touffes de riz sur l’arête du sillon.

Nous traversâmes plusieurs villages avant d’atteindre Macao : une apparence générale d’ordre et de prospérité annonçait des populations paisibles, et en effet nous ne fûmes nullement inquiétés par les nombreux Chinois que nous rencontrâmes sur notre route. Souvent, au milieu des étroits sentiers qui se croisaient dans tous les sens, ces paysans pacifiques nous indiquèrent avec bienveillance la direction que nous devions suivre. Le chemin de Cum-sing-moun à Macao est à peine tracé; plus d’une fois il nous fallut descendre de cheval. D’étroites vallées encaissées entre des montagnes ne communiquent entre elles que par des escaliers pareils aux échelles de Jacob. Nos chevaux cependant, enfans de la Nouvelle-Galles du Sud, vinrent à bout de ces difficultés. Avant le coucher du soleil, nous passâmes sous la voûte de la porte chinoise, et nous nous retrouvâmes sur le territoire portugais.

La Chine dévoilait insensiblement ses mystères à nos regards curieux. Après Macao et Canton, nous avions hâte de visiter cette île de Hong-kong que le traité de Nan-king avait ajoutée aux immenses possessions de l’Angleterre. Dans les premiers jours de février, la Bayonnaise appareilla de Macao, franchit en quelques heures les trente-sept milles qui séparent la ville portugaise de l’établissement anglais, et vint jeter l’ancre au milieu des nombreux navires mouillés sur la rade de Hong-kong. Nous avions trouvé à Macao une rade déserte, un port attristé par les souvenirs partout présens d’une grandeur qu’on ne verra point renaître; à Wampoa, le spectacle d’une ingénieuse activité avait frappé nos regards : nous devions admirer dans Hong-kong la puissance créatrice et la ténacité du génie britannique.

Quand on songe à ce qu’était cette île au moment où les Anglais y arborèrent leur pavillon, quand on considère ce qu’elle est devenue entre leurs mains, on cesse de s’étonner de la position que l’Angleterre occupe dans le monde. Le traité de Nan-king n’avait cédé aux barbares qu’une île inculte et inhabitée, qu’un bloc informe de granit. Ce bloc, dégrossi à l’aide de la mine et de la bêche, taillé, pour ainsi dire, au ciseau, l’œil des mandarins hésiterait aujourd’hui à le reconnaître. La brusque déclivité de la montagne obligea les premiers colons à bâtir leurs maisons sur le bord de la mer. Pendant quelques années, la ville anglaise ne se composa que d’une seule rue adossée à des escarpemens inaccessibles. Le quartier chinois, tout trébuchant sur ses pilotis enfoncés dans la vase, occupait l’extrémité occidentale de cette rue unique; du côté opposé, au-delà d’une vallée marécageuse et malsaine, la