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ces outrages réitérés, il avait voulu châtier l’insolence des Cantonnais. Le 3 avril 1847, la garnison de Hong-kong s’était embarquée sur deux navires à vapeur et deux bricks. Remontant le Chou-kiang, elle avait surpris les forts du Bogue, encloué cent quatre-vingts pièces de canon et menacé la ville de Canton d’un bombardement; mais, quand le plénipotentiaire anglais avait vu ce grand entrepôt du commerce européen à sa merci, il avait reculé devant les conséquences de sa facile victoire. N’osant incendier Canton, n’ayant point assez de troupes pour l’occuper, sir John Davis avait dû accepter, comme unique résultat de sa campagne, la convention que les mandarins s’étaient hâté de lui offrir. Cette convention ajournait au 6 avril les difficultés auxquelles avait donné naissance la délicate interprétation du traité de Nan-king; mais elle n’apportait aux négocians anglais aucune garantie nouvelle contre les violences populaires. La soudaine apparition des barbares aux cheveux rouges sous les murs de Canton avait au contraire réveillé l’animosité de la population turbulente qui habite les rives du Chou-kiang. Le 5 décembre 1847, six Anglais furent assassinés sur les bords du fleuve, à trois milles à peine des factoreries européennes, par les habitans du village de Houang-chou-ki.

Le gouvernement des deux provinces du Kouang-si et du Kouang-tong se trouvait alors confié au vice-roi Ki-ing, le plus honnête Tartare qui ait jamais porté la plume de paon et le bouton rouge. Membre de la famille impériale et l’un des signataires du traité de Nan-king, Ki-ing avait compris l’impuissance des armées chinoises et les obstacles presque insurmontables qui s’opposaient à l’introduction de l’organisation militaire et de la tactique des Européens dans le Céleste Empire. Convaincu qu’il pourrait par une conduite prudente et d’opportuns sacrifices désarmer l’humeur agressive de l’Angleterre, il avait inauguré en Chine la politique des concessions. Ce Reschid-Pacha de l’Empire Céleste, adversaire patient du parti opiniâtre qui reconnaissait le vieux Lin pour son chef, eût peut-être réussi à maintenir des rapports bienveillans entre la Grande-Bretagne et la Chine, si les passions de la populace cantonnaise ne fussent venues sans cesse déconcerter ses efforts. Après le sinistre drame de Houang-chou-ki, il s’était empressé de promettre une réparation complète au plénipotentiaire. Le 21 décembre, quatre Chinois, le bâillon à la bouche, furent conduits sur le théâtre même de cet affreux événement. Là, en présence de la foule contenue par un détachement de soldats anglais et de troupes chinoises, en présence des officiers désignés par le gouverneur de Hong-kong, le bourreau fit tomber ces quatre têtes accordées par le vice-roi à la nécessité d’une sanglante expiation.

Ki-ing s’était flatté de l’espoir qu’une satisfaction aussi prompte suffirait pour étouffer cette malheureuse affaire. Six Anglais, il est vrai,