Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/767

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il s’ensuivrait donc, ou que l’épiscopat nommerait réellement tous les professeurs, s’il obtenait qu’on lui cédât toujours, ou qu’il prendrait le parti violent qu’il a pris aujourd’hui, si on ne lui cédait pas. C’est ainsi qu’on tourne en pure perte, sous l’empire de ces exigences altières, dans ce cercle fâcheux où la Belgique s’irrite à la fin qu’on veuille ainsi l’enfermer.

Les libéraux n’en ont été que plus forts aux élections communales. La dureté dont le clergé avait usé par ordre envers les collèges laïques n’était pas de nature à lui concilier les populations. Ces messes refusées, ces enfans presque chassés des églises où il leur était défendu de s’asseoir, ces anathèmes immérités ont sans doute aigri beaucoup les mécontentemens déjà provoqués par le parti clérical. Aussi ce ne sont pas seulement les villes qui avaient renommé des sénateurs libéraux aux dernières élections politiques, ce sont les villes mêmes où les libéraux avaient succombé, qui ont renouvelé pourtant leurs municipalités dans le sens libéral. Namur, Alost, Ypres, et jusqu’à Louvain, le siège de l’université catholique, ont ainsi recomposé leurs conseils communaux. À Anvers, la lutte offrait un intérêt assez piquant. Les sociétés dramatiques flamandes, qui sont naturellement en assez mauvaise odeur auprès de l’église, s’unissaient cependant au parti catholique pour porter au scrutin le nom de M. Conscience, le patron de la réaction flamande en Belgique, le conteur favori qui a entrepris la tâche difficile de faire du flamand une langue littéraire. La coalition n’a pas été heureuse, et M. Conscience n’a pas eu l’avantage que sa popularité permettait d’espérer pour lui. Les communes belges sont constituées dans un tel esprit d’indépendance et pourvues de libertés si larges, que le gouvernement ne saurait même avoir la pensée de diriger leurs choix municipaux. Les élections communales, telles qu’elles ont eu lieu, peuvent ainsi être considérées comme une adhésion presque unanime des villes à la politique du cabinet. L’imprudence avec laquelle le parti opposé s’était hâté de proclamer sa victoire a réveillé l’opinion avant qu’il fût trop tard.

Prononcé dans ces conjonctures, le discours du trône pouvait être suffisamment net et modéré. Le roi a défendu l’utilité, l’opportunité des mesures qu’un dissentiment partiel, « et qu’il aimait à croire passager, » avait empêché de mener à bonne fin. « Je fais des vœux, a-t-il dit, pour que cette difficulté puisse se résoudre dans un sage esprit de conciliation, » et il a insisté à plusieurs fois sur le besoin qu’on avait de rester unis en présence des difficultés de l’avenir. Le sénat n’a pas semblé d’abord répondre à cet appel avec beaucoup de déférence. Il a composé son bureau dans un esprit ouvertement hostile au cabinet, et tous les membres de la commission de l’adresse ont été choisis parmi les adversaires déclarés de la loi de succession. Le projet d’adresse présenté par M. d’Omalius d’Halloy, plus savant géologue que politique expérimenté, était, même à sa première édition, un manifeste assez provocateur ; mais la forme en était si malheureuse et, pour tout dire, si peu grammaticale, qu’il a fallu le refondre, et, chemin faisant, la réflexion est venue, de sorte que le projet définitif s’offre aujourd’hui sous un aspect beaucoup plus pacifique, et s’accorde mieux avec les souhaits de bonne harmonie formulés dans le discours du trône. Ces vœux, émanés de la bouche du roi, ont produit une impression étonnante sur toutes les classes de la société, sur les plus humbles même ; il serait trop extraordinaire que l’agitation vînt précisément à cette heure, dans une consti-