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chambre une corde, grâce à laquelle, après des efforts inouïs, il parvint à rentrer. Alors il referma sa fenêtre et plaça derrière les vitres une lumière comme avertissement que tout était manqué. Rien en apparence n’avait été découvert. On ajourna l’exécution d’une nouvelle tentative a une autre nuit. Cette fois, le roi avait scié le barreau, mais au moment de sortir, apercevant du monde au pied du rempart, il eut des craintes, remit toutes choses en place, et retourna dans sa chambre. Sir Richard Wortsley assura qu’il était trahi et que les sentinelles l’attendaient, avec ordre de tirer sur lui aussitôt qu’il paraîtrait. Ce qui rend cette supposition probable, c’est que les amis de Charles qui devaient coopérer à son évasion furent arrêtés le lendemain matin.

À partir de cet instant, son courage sembla l’abandonner, et son irritabilité nerveuse devint extrême. Il est vrai que le sort se plaisait chaque jour à mettre sa patience et sa résignation a de plus dures épreuves. Une fois, dit-on, le colonel Hammond entra inopinément dans sa prison, et après quelques recherches auxquelles il se livra malgré les protestations du roi, il saisit un chiffre au moyen duquel l’illustre captif correspondait avec ses amis du dehors. Indigné de la brusquerie que Hammond mettait dans son opération, Charles leva la canne sur le colonel. Celui-ci eut la lâcheté de l’arracher des mains du roi et de l’en frapper. Peu de temps après, Charles fut transféré à Hurst-Castle, sous la garde du colonel Corbet. Ce château, bâti par Henri VIII, est situé sur la côte du Hampshire, à l’extrémité d’une langue de terre qui s’avance dans le Soient, jusqu’à moins d’un mille de l’île de Wight, vers Norton. Ce lieu est humide, malsain et continuellement battu par les vagues. Le malheureux Charles n’y demeura pas long-temps ; le colonel Harrison arriva bientôt porteur d’un message du parlement qui ordonnait la translation du roi à Windsor, et de là à Londres, où il fut, comme on sait, jugé et exécuté sans pitié à Whitehall. On raconte que Harrison était jeune et l’un des plus beaux cavaliers de l’armée anglaise. Quand Charles le vit à la tête d’un escadron de cuirassiers et revêtu d’une étincelante armure, sa bonne grâce et sa tournure chevaleresque le portèrent à croire qu’un homme de si grand air et de si bonne mine ne pouvait être un seïde de Cromwell. Le roi rompit alors son silence accoutumé pour adresser au colonel quelques mots attables, espérant trouver en lui de la sympathie pour sa position et peut-être se le rendre favorable. Harrison répondit a ces avances avec la plus grande hauteur et le plus grand dédain.

On n’avait laissé auprès du pauvre roi qu’un vieux serviteur infirme, appelé sir William Patrick, et les officiers préposés à sa garde avaient pour instruction de le traiter sans aucune cérémonie. Sur sa route cependant, il ne cessa de recevoir des marques de respect et de sympathie de