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den Bosch s’était retiré du département des colonies aussitôt après le rejet du budget, laissant des regrets auxquels s’associa l’opposition. Après lui, ce fut le tour du ministre des finances, van Blokland, le même qui, seul, aux états-généraux, s’était levé en faveur de son projet. On ne put qu’à grand’peine lui trouver un successeur dans M. van Gennep[1].

Lors de leur réunion, au mois de mars, les états reçurent communication du nouveau projet de révision. Ce projet ne satisfaisait pas plus que le précédent aux vœux du pays ; il se bornait à modifier légèrement, sans en changer les bases, la loi fondamentale de 1815. L’admission du principe de la responsabilité ministérielle, laquelle, suivant une déclaration faite encore aux états-généraux de 1829, « ne faisait guère partie du droit constitutionnel néerlandais, » l’introduction d’un budget biennal à la place d’un budget décennal, l’institution d’une chambre des comptes, tel fut l’ensemble des réformes proposé et voté par les états-généraux.

Le roi Guillaume s’était vu contraint d’abandonner un système qui avait conduit le pays vers sa ruine. D’autres concessions qu’il n’avait pu refuser, la suppression de la caisse syndicale, l’institution d’une cour des comptes ; la sanction de la responsabilité ministérielle, avaient été pour lui de graves sujets de mécontentement. Depuis 1837, il avait perdu la reine sa femme, sœur du roi de Prusse. En 1840, la nouvelle se répandit que le roi venait de contracter un mariage morganatique avec la comtesse Henriette d’Oultremont, Belge et catholique, dame de cour de la reine décidée. Ce mariage avec une Belge, une catholique, lui enleva les derniers restes d’une popularité que jusqu’alors il avait conservée parmi les classes inférieures. En présence des résistances des états-généraux, du malaise général, des sourdes rumeurs du peuple, Guillaume sentit qu’il avait survécu à ses idées, et que le pays ne pouvait plus être gouverné d’après les erremens de la politique pratiquée depuis vingt-sept ans : Guillaume abdiqua. Le 8 octobre 1840, il remit les rênes du gouvernement au prince d’Orange, déclarant que la direction du royaume exigeait pour son salut une main plus ferme et plus jeune que la sienne. Il se retira de la scène politique qu’il avait remplie avec éclat pendant plus d’un quart de siècle. L’histoire

  1. Les conditions auxquelles M. van Gennep accepta le portefeuille sont assez bizarres pour mériter d’être reproduites : « Van Gennep cessera, à partir du 1er juillet 1840 (époque de l’expiration du crédit de six mois voté par les états-généraux), d’être ministre. Il n’aura à s’occuper ni de l’administration courante des finances ni de la cour syndicale ; le secrétaire général du département en est chargé ; il procédera comme en l’absence et en remplacement du ministre. Pendant les mois d’été, le ministre des finances pourra, pendant la moitié de chaque mois, s’absenter de la capitale. Pendant les mois d’hiver, en dehors du dimanche, il aura encore deux jours à sa disposition. »