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embouchures, et l’île des Ehbiens, qui lui sert de prolongement, couvre un des meilleurs échouages de la côte. La presqu’île était autrefois célèbre par son couvent : les bénédictins, y devançant de cent cinquante années l’administration publique dans l’art de fixer les dunes, arrêtaient dès 1640, par des semis et des plantations, les sables qui menaçaient d’envahir leurs demeures. Le port de Saint-Briac. échouage sûr, mais peu fréquenté, est en possession de fournir des officiers à la marine marchande, comme Cancale des matelots. On bâtit beaucoup à Saint-Briac ; la propriété foncière y est fort recherchée ; l’amélioration du sol aura son tour.

L’Arguenon sort, à 25 kilomètres de la côte, de l’étang, j’ai presque dit du lac, que forme à Jugon le confluent de la Rieulle, de la Rosette et de plusieurs autres ruisseaux. Il est navigable aux marées de pleine et de nouvelle lune pour les bâtimens de 4 mètres de tirant d’eau jusqu’au Guildo, et pour ceux de 3 mètres jusqu’à Plancoët. Le mouvement maritime y est alimenté par les matériaux de construction, le sel, et surtout les blés du pays : il n’a pas jusqu’à présent excédé 10, 000 tonneaux ; mais il est fort susceptible d’accroissement. La tradition veut que dans des temps reculés les eaux de la mer se soient avancées par l’Arguenon jusqu’au pied de l’ancienne capitale des Curiosolites. Cette capitale n’est plus aujourd’hui que le bourg de Corseul, et il ne lui reste de sa splendeur éteinte que des tronçons de voies romaines et les vestiges d’une vaste enceinte à peine fouillée[1]. Il est factieux que César ne nous ait point dit si Trebius Gallus, lorsqu’il vint requérir chez ce peuple des blés pour les légions romaines[2], vit flotter des navires à la place où sont les marais de Montafilant ou à celle des terres humides qui ont conservé le nom de la Baie. Les vallons marécageux d’aujourd’hui ont pu être, il y a deux mille ans, des chenaux dans lesquels remontaient les marées ; mais, cela fût-il certain, les dépôts des eaux douces, en se superposant à ceux des eaux salées, ont trop exhaussé le sol pour qu’il y ait à songer au rétablissement de la navigation. Celle de l’Arguenon pourrait être poussée pour de simples bateaux, à peu de frais et avec avantage, jusqu’à Jugon. La baie, dont Plancoët est éloigné de 10 kilomètres, est en état de fournir de la tangue à toute la région granitique qui s’étend au sud ; mise à Jugon à la portée du canton de ce nom et de ceux de Merdrignac, de Broons et de Collinée, la tangue y substituerait la bonne culture à la mauvaise. L’étendue de ces quatre cantons est de 78,265 hectares, dont 19,431 sont encore en friche, et elle est susceptible d’absorber 400,000 tonnes de tangue par an. Les avantages remarquables obtenus par l’application de

  1. Ogée, Mémoires de l’académie celtique, 1807.
  2. De Bello Gallico, III, 27.