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baie de Saint-Brieuc du foyer d’où se répandent, sur la rive droite, la vie et le mouvement, et l’amplitude des marées, la véhémence des courans, mettent à l’établissement de bacs réguliers des obstacles qu’on n’a point encore surmontés. Les frais et les lenteurs du double transbordement qu’exige cette courte traversée creusent une profonde lacune entre deux rivages si rapprochés. L’état de la culture, la valeur des terres en sont gravement affectés dans la région déshéritée, et les relations du port de Saint-Malo sont amoindries d’autant.

La construction des ponts suspendus de la Roche-Bernard et de Cubzac, qui traversent deux bras de mer sans gêner la circulation des navires, devait faire naître la pensée d’en établir un semblable sur la Rance, et les projets n’ont point manqué. La place de ce pont est marquée au fond de la rade de Saint-Malo par les roches de Bizeux, qui s’élèvent au milieu de la Rance ; la pile et les culées du pont reposeraient sur ces roches et sur les pointes des Corbières et de la Vicomte ; chaque passage aurait les dimensions du pont fameux de la Menay, environ 340 mètres, et la dépense serait de 3 à 4 millions. De tels projets vont d’autant moins à notre temps, qu’un péage, quel qu’il fût, ne dédommagerait pas les constructeurs, et que les services rendus par le pont ne répondraient à l’élévation de la dépense qu’autant que le passage serait gratuit. En effet, l’utilité publique d’un pont se mesure à l’activité de la circulation qu’il dessert, et la compression exercée sur celle-ci par une taxe quelconque est telle qu’on a quelquefois vu la circulation décupler par le simple effet de la suppression du péage. Un temps viendra sans doute où les péages des ponts seront partout rachetés comme ils l’ont été à Paris en 1849. La différence est énorme entre les services rendus au public par un pont, suivant que le passage en est gratuit ou taxé. Peut-être serait-il facile de démontrer qu’ici l’état, les populations et les propriétés directement intéressées à la réalisation de l’entreprise rentreraient avec usure, par l’accroissement des valeurs imposables et par l’essor imprimé au commerce, dans le capital qu’ils consacreraient à la construction d’un pont libre au-dessus de Saint-Malo. À défaut de pont fixe, ce serait un grand bien que l’établissement, entre la pointe de Solidor et celle de la Vicomté, d’un pont volant mû par la vapeur et dirigé par des chaînes submersibles, tel qu’il en existe entre Portsmouth et Gosport, et vis-à-vis Southampton. Cette solution serait loin de valoir l’autre, mais elle ne serait pas au-dessus des forces de l’industrie privée.

De la pointe de Dinard, qui ferme la Rance vis-à-vis Saint-Malo, au cap Fréhel, la côte présente une succession d’échancrures plus ou moins profondes. Entre la pointe de La Haye et celle de Saint-Cast s’ouvre une baie qui reçoit les eaux de la rivière de Saint-Briac et celles de l’Arguenon : la presqu’île de Saint-Jacut s’avance entre les deux