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l’autre, qui était un voleur endurci, le darogâh crut devoir faire un exemple, et le malheureux fut jeté vivant dans son four. Ce trait est digne du caractère persan, mélange singulier d’insouciance et de cruauté. J’ajoute à regret que les habitans de Téhéran et le châh lui-même applaudirent beaucoup à cet acte barbare.

Le principe de la législation criminelle en Perse est la peine du talion, pour tous les cas où on peut l’appliquer. La justice persane ne connaît guère, outre l’amende, que les châtimens corporels; la peine de la détention n’y est presque jamais infligée. S’il y a eu meurtre, on livre le coupable à la famille du défunt, pour qu’elle en dispose à son gré; celle-ci a le droit de le faire mourir, de lui imposer une amende quelconque ou de lui pardonner : le meurtrier est complètement à sa discrétion.

L’organisation de l’armée ne laisse guère moins à désirer que celle de la justice : je pus m’en assurer pendant mon séjour à Ispahan. Le camp que le châh avait formé dans cette ville m’avait fourni l’occasion de voir rassemblés la plupart des corps de l’armée persane. Il y avait là des réunions d’hommes portant des lambeaux d’uniformes avec une sorte de buffleterie, jadis blanche, à laquelle pendait un reste de fourreau de baïonnette. Ces soldats étaient armés de fusils tous en mauvais état, la plupart sans pierre ou même sans batterie, et ils étaient commandés par des officiers presque aussi misérables qu’eux, dont l’instruction militaire se bornait à faire porter ou présenter les armes.

L’armée permanente et régulière de Perse ne se compose que d’infanterie et d’artillerie. La cavalerie est irrégulière, et il n’y a de permanente que celle que le châh entretient auprès de sa personne. Elle est formée de quatre ou cinq mille goulâms, qui lui font escorte en temps de paix et constituent en temps de guerre un corps de cavalerie spécial et d’élite. Chaque fonctionnaire élevé ou chaque khân a également quelques cavaliers attachés à son service personnel; mais ces derniers sont plutôt des serviteurs, des domestiques, que de véritables soldats. Si la guerre survient, le châh, avant d’entrer en compagne, fait appel à toutes les provinces de son empire, et de toutes parts il arrive à son camp des hommes montés et armés selon l’usage de leur pays. Les Kurdes ou les Arabes ont de grandes lances et des boucliers, les Persans de longs fusils, les Khorassaniens ou Turcomans des arcs. Cette multitude de volontaires de tous costumes, diversement équipés et montés, compose une cavalerie plus pittoresque qu’utile; c’est une troupe de pillards, bonne pour inquiéter l’ennemi et porter la dévastation sur son territoire plutôt que pour être mise en ligne contre une cavalerie régulière et disciplinée. Chaque individu de cette milice se bat pour son compte, à sa manière, avec les ruses ou les avantages qui lui sont propres. Leur tactique est encore celle des Parthes, de combattre en fuyant,