Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

kalantar, fait la répartition entre les habitans, qui sont imposés proportionnellement à leur revenu. Ils doivent la quotité qui leur est personnelle, partie en argent, partie en nature, s’ils ont des terres; dans ce dernier cas, l’état prélève le cinquième du produit du sol, évalué d’après l’estimation que l’on fait de la récolte. La taxe qu’est tenu d’acquitter ainsi un propriétaire s’étend à sa maison, à ses chevaux, à ses bêtes de somme, à ses troupeaux ou à ses arbres; chacune de ces propriétés doit à l’état une somme fixée : ainsi un cheval, un mouton ou un chameau paie 1 sâbcran ou 1 fr. 25 cent. par an; chaque pied d’arbre doit 1 chaï, à peu près 6 centimes. La contribution établie et payée de cette manière s’appelle melièt ou karadj; elle est fixe, invariable et acquittée régulièrement.

Il existe, sous le nom de sader, une autre catégorie de contributions. Sous le prétexte de besoins accidentels, les gouverneurs, les gens du roi, les hakim, ont le droit de taxer extraordinairement les populations, et ce droit est souvent le prétexte des spoliations les plus odieuses. Certaines parties de la Perse ont été abandonnées par les habitans, qui, pour se soustraire à cet impôt vexatoire, ont cherché un refuge dans les montagnes, derrière des défilés inaccessibles, et quelquefois au-delà des frontières de la Perse.

Une des causes principales de la triste situation financière de la Perse est le mode détestable auquel on a recours pour payer certaines charges, certaines fonctions, ou même les dettes contractées par l’état. Le roi donne en usufruit, pour un laps de temps fixé par son bon vouloir, à un ministre, à un khân, à un général ou à un de ses favoris, un ou plusieurs villages. L’usufruitier en prélève les impôts pour son compte, et il ne doit au souverain autre chose qu’un pichkèch ou cadeau. En général, ceux qui sont rémunérés de cette manière craignent de perdre, un jour ou l’autre, cette source de leur bien-être, et ils se hâtent d’en tirer tout ce qu’ils peuvent, au risque de la tarir, avant qu’elle leur échappe.

La justice en Perse n’est pas mieux administrée que les finances. Le code qui régit les musulmans est le Korân. A côté de ce livre, qu’on appelle la loi écrite, il y a, chez chaque peuple, ce que l’on nomme la loi coutumière, ourf. On comprend quelle latitude une législation reposant sur cette double base laisse à l’initiative du juge. D’une part, les sentences rendues d’après le Korân ne peuvent être que des interprétations du texte de Mahomet; de l’autre, toute décision prise d’après la coutume est essentiellement laissée à la discrétion du juge. Comme si ce n’était pas assez des abus qui doivent découler de cette législation, le roi, les ministres et les begliers-beys ou gouverneurs se mettent au-dessus de la loi, et rendent la justice selon leur volonté, leur caprice, avec tout l’arbitraire du despotisme qui caractérise les gouvernemens