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même à proportion des secondes médailles et des mentions honorables, c’est-à-dire qu’en chiffres exacts, sur 100 exposans, l’Angleterre a obtenu 25 prix, les autres pays 23 à 24, la France 66. Contre ces chiffres, qui parlent si net, il n’y a rien à répondre, si ce n’est de secouer la tête, de répéter que les Anglais savent bien ce qu’ils font, et de se rendormir dans l’éternelle exécration de Pitt et Cobourg. Il y avait pourtant quelque chose de plus simple pour ne pas subir ces prétendues fraudes des comités anglais et ne pas laisser leurrer la France dans la distribution de ces récompenses solennelles : c’était de faire à Paris ce qu’on a fait à Londres; mais on n’ignore pas quelles sont les défiances et les doctrines qui, en 1849, ont élevé si vite au-devant de cette idée des obstacles si insurmontables. Le ministre intelligent et consciencieux qui avait alors le département du commerce n’eut pas plus tôt indiqué la possibilité d’établir une comparaison entre nos produits et ceux du dehors, qu’on s’insurgea contre la seule apparence de son projet, si modeste fût-il à côté de l’extension que la même pensée allait recevoir outre Manche,

il appartenait au prince Albert de donner cette remarquable impulsion dont le souvenir tiendra désormais une belle place dans une carrière déjà si habilement et si honorablement fournie. Los princes de la maison de Cobourg, élevés par de hautes alliances dans des situations difficiles, s’y montrent toujours à leur avantage. Au milieu même des mésaventures inséparables de la triste condition du pays dont il partage le trône, l’époux de la reine dona Maria a prouvé qu’il était digne d’une meilleure fortune. La calme et pénétrante sagesse du roi Léopold lui vaut une autorité toute spéciale dans les conseils de l’Europe. Enfin le prince Albert a su se former en dehors de la politique proprement dite, que l’étiquette constitutionnelle lui défendait d’aborder, un cercle d’activité qui s’élargit de jour en jour, et l’influence féconde qu’il s’est ainsi peu à peu conquise relève, par l’éclat d’un mérite plus personnel, ce qu’il y aurait d’un peu terne dans la seule dignité du queen’s consort. Il est entre de bonne grâce et avec un tact parfait dans la vie anglaise; il s’est façonné au génie de la nation dans les petites choses comme dans les grandes, et d’une place qui pourrait être aisément médiocre, il a su faire loyalement, et par conséquent sans éveiller d’ombrage, une place considérable. Il a saisi profondément ce goût inné que le peuple anglais a de se conduire le plus possible par lui-même, en n’abandonnant au soin de son gouvernement que ce qu’il ne peut pas lui ôter. La queen’s consort ne pouvait pas être du gouvernement selon la rigueur du régime aristocratique et parlementaire; il a été de tout ce qui n’était pas le gouvernement, de toutes les libres entreprises du système volontaire, comme disent les Anglais avec une énergie significative; il s’est associé à toutes les œuvres privées de charité, de science, d’art ou d’industrie; la juste popularité qu’il a gagnée de la sorte s’est encore accrue par le succès inouï de l’exposition universelle, dont il a été le constant promoteur. L’exposition était précisément, de la manière dont elle fut conçue, l’exemple le plus magnifique du développement auquel peut atteindre l’initiative individuelle du citoyen anglais. Le prince s’y était intéressé connue particulier : c’étaient des particuliers qui s’étaient réunis à lui. Les six millions de bénéfice que l’opération a laissés dans les mains du comité supérieur sont la propriété de cette association particulière. Il est