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796 contre. Placé dans l’alternative de reprendre son projet ou de l’imposer à la Belgique, le gouvernement eut recours à un singulier expédient. Il considéra comme ayant voté le projet les. 289 notables qui n’étaient pas venus. À ces 289 le gouvernement joignit les 126 catholiques qui avaient rejeté le projet à cause de l’article qui proclamait la liberté des consciences. Par ce calcul commode, la loi fondamentale fut déclarée votée[1]. On accorda aux provinces méridionales[2] et aux provinces septentrionales le même nombre de représentans. La deuxième chambre des états-généraux se partagea dès-lors en deux camps égaux : les représentans du nord votèrent, d’ordinaire avec le gouvernement, ceux du midi votèrent systématiquement contre. Pour se former une majorité, les ministres n’avaient qu’à détacher quelques membres de la phalange belge.

Les provinces méridionales, blessées dans leur orgueil par l’application qu’on leur faisait de la charte hollandaise, trouvèrent un nouveau sujet de plainte dans un édit du roi, qui prescrivait l’emploi exclusif de la langue hollandaise dans les tribunaux. Tout Belge aspirant aux fonctions publiques était même tenu de savoir le hollandais. Cette injonction prêtait d’autant plus au blâme, qu’un des principaux griefs de la Hollande contre le régime impérial avait été précisément une mesure analogue à celle de l’emploi forcé de la langue néerlandaise dans tous les actes publics. Diverses circonstances devaient concourir d’ailleurs à entraver en Belgique l’exéclition de l’édit royal. Le flamand, qui ressemble au hollandais au point que les deux idiomes forment presque une seule et même langue, avait cessé d’être parlé par les classes élevées, et ne s’était conservé que dans les classes inférieures des deux Flandres.

Dans la distribution des emplois publics, le gouvernement hollandais ne se montra guère plus adroit ; il favorisa, ouvertement les Hollandais au détriment des Belges. La statistique des fonctionnaires du gouvernement que la presse flamande publia en 1829 devint une arme redoutable contre l’autorité du roi Guillaume ; mais une faute plus grave encore que les précédentes devait rendre toute conciliation impossible entre les Hollandais et les patriotes belges. Le roi s’attaqua imprudemment à la question de l’enseignement, et s’attira l’hostilité du clergé belge. L’enseignement supérieur hollandais jouit d’une ancienne

  1. Le règne de Guillaume Ier a été fécond en interprétations de ce genre. On se rappelle avec quelle ingénieuse subtilité le gouvernement néerlandais commentait l’article 109 du traité de Vienne pour en tirer un sens qui lui permit d’interdire à la navigation allemande la sortie du Rhin. C’est aussi par un semblable abus d’interprétation que la couronne s’était approprié pendant quelques années la disposition exclusive des revenus coloniaux.
  2. On désignait ainsi les provinces belges.