Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Danemark adressée au régent Lennox et relative à Bothwell, et en produisait une copie d’où il avait fait disparaître certains passages qui lui avaient paru devoir nuire à son parti.

Le même critique à qui j’emprunte ces deux faits remarque très judicieusement, au sujet des conférences d’York et de Westminster, que ni du côté des lords écossais il n’y eut libre et franche production des pièces, ni du côté des commissaires de Marie Stuart claire et invariable dénégation de leur contenu. Fabriquées intégralement, dit-il, elles eussent été désavouées avec énergie ; complètement originales, elles eussent été produites sans réserve par les lords écossais. La conclusion à tirer s’offre d’elle-même. Si Murray ne les produisit qu’en tergiversant, et si les commissaires de Marie n’y donnèrent pas un démenti énergique, n’est-ce point que pour ceux-ci elles ne prouvaient que trop la passion honteuse de Marie, et que, pour Murray, personne ne avait mieux que lui pourquoi leur parfaite intégrité ne pouvait être prouvée ?

Aussi bien, il ne s’agit pas de plusieurs lettres, mais d’une seule, où certaines phrases peuvent être regardées comme des aveux. C’est la longue et horrible lettre dont parlent les commissaires d’Elisabeth. Toutes les autres ne sont, comme les sonnets, que des pièces galantes, et ce n’est que par des tours de subtilité partiale qu’on a pu y trouver, dans des passages d’une obscurité impénétrable, des indices venant en supplément de preuves aux aveux directs. Dans cette lettre accusatrice, écrite par Marie le lendemain de son arrivée à Glasgow, il n’est que trop question d’un projet évidemment concerté entre Bothwell et Marie ; mais ce projet, pour lequel une trahison est nécessaire, quel est-il ? pourquoi pas le projet de retenir Darnley en Écosse ? Il songeait tous les jours à passer à l’étranger ; un vaisseau l’avait attendu dans les eaux de la Clyde. Marie craignait avec raison le mauvais effet de cette fuite pour sa considération à l’étranger et pour son autorité dans son royaume. Pourquoi pas le divorce, où il était plus facile d’amener Darnley, quel que fut le moyen, à Edimbourg qu’à Glasgow ? L’idée n’en était pas nouvelle. Des lords du conseil l’avaient proposée à Marie. Enfin pourquoi pas une intrigue d’alcôve pour couvrir les désordres de l’adultère par la présence du mari ? Tous les passages qui indiquent un projet concerté peuvent se ramener à ces trois choses. La pensée de la trahison est d’ailleurs avouée, et, chose remarquable, toujours sous la forme de remords : « Vous me faites tellement dissemblable à moi-même, que j’en ai horreur ; vous me faites presque jouer le rôle d’une traîtresse[1] ! » De quelle sorte de trahison s’agit-il ? Si c’était un

  1. Dans la traduction écossaise : « Ye cause me do ALMOST the office of a traitour. » Dans la traduction anglaise : « You make me ALMOST to play the part of a traitor. »