Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En même temps qu’elle enlevait à la Hollande, son commerce, la domination française la menaça dans son existence on sait quelle est la situation exceptionnelle de ce pays, comment il existe séparé de la mer par des digues dont la seule barrière le défend chaque jour contre l’invasion de l’Océan. Une telle situation exige une surveillance toute locale. Aux temps de la république néerlandaise, des administrations spéciales, appelées Heemradschappen, étaient chargées de veiller à l’entretien, à la réparation des digues et à la surveillance de la mer. À cet ennemi incessant ; si proche, si dangereux, qui pouvait par une brèche d’un jour inonder la moitié d’une province, il fallait opposer des agens hollandais vivant sur les lieux, libres d’agir à l’heure même et maîtres d’arrêter le danger aussitôt qu’il s’annonçait. Le gouvernement impérial, qui apportait en Hollande les idées de la centralisation française, ne comprit pas l’importance vitale d’une institution semblable. Les ministres qui, du fond de Paris, avaient à veiller sur les intérêts des populations néerlandaises, laissèrent, sans nul souci, l’Océan miner et ronger les digues de la Hollande : l’institution si utile, si indispensable du Waterstaat tomba en oubli.

Cette coupable négligence, ces levées continuelles, ces incessantes demandés d’argent devaient finir par lasser par énerver la Hollande, à la décadence du pays serait venue peut-être s’ajouter l’émigration de nombreuses familles riches et influentes, mais l’amour de la patrie les retint sur ce sol marécageux et humide. Aussi, quand, dans les premiers jours de mars 1813, le prince d’Orange vint débarquer sur la plage de Scheveningen, il rencontra une population toute dévouée à sa cause, et fut, comme jadis son illustre ancêtre. Guillaume le Taciturne, salué du nom de libérateur ; l’ancien cri populaire : Orange dessus (Oranje boven), parcourut le pays comme un frisson électrique. La royauté fut proclamée aux applaudissemens de la nation reconnaissante, les troupes françaises durent évacuer le pays après la défaite sanglante d’Alkmar, et le peuple courut, sous la conduite du fils du roi, le jeune vainqueur de Badajoz et de Valladolid, défendre sa liberté reconquise sur les champs de Quatre-Bras et de Waterloo. La chute de l’empire ne fut marquée cependant à Amsterdam et à La Haye par aucun de ces excès de la populace dont la plupart des capitales furent alors le théâtre : la Hollande, en recouvrant son indépendance, garda la dignité d’une nation qui rentre paisiblement en possession de ses droits.

L’oeuvre de la diplomatie commença. Le cabinet anglais cherchait un motif pour ne pas restituer la portion des colonies hollandaises que l’Angleterre avait gardée à titre de séquestre jusqu’au rétablissement de la paix ; il tenait surtout à conserver cette colonie du cap de Bonne-Espérance, objet des éternels regrets de la Hollande. Il proposa donc