Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple hollandais, par quels efforts il a repris possession de son indépendance en 1815, défendu ses droits contre les puissances protectrices de la Belgique après 1831, rétabli enfin en 1843 ses finances compromises par la perte des provinces flamandes, c’est là un tableau plein d’un sérieux intérêt pour quiconque voudrait se rendre compte de l’attitude ferme et calme de la Hollande au milieu de l’ébranlement, presque général de 1848. La prospérité actuelle de ce pays est en effet le prix de sa lutte vaillante contre des difficultés en apparence insurmontables. C’est grace à cette lutte si courageusement soutenue que l’équilibre est maintenant rétabli dans le budget des Pays-Bas ; une dette publique de près de trois milliards et demi est consolidée ; le crédit repose sur de fortes bases ; la marine de l’état, bien moins nombreuse, est aussi savante, aussi expérimentée que dans ses plus beaux jours ; Java, la reine de l’archipel, la plus riche colonie du monde, fournit aux recettes de la métropole, depuis 1830, plus de 30 millions par an ; elle verse en Europe chaque année 125 millions de produits[1]. Telle est la situation qui a succédé en Hollande à de longues années de crises financières ou politiques dont le récit même fera mieux comprendre l’importance des résultats si chèrement obtenus.


I – 1810 – DOMINATION FRANCAISE. – LE ROYAUME-UNI DES PAYS-BAS. – 1830.

La domination impériale a laissé en Hollande de tristes et ineffaçables souvenirs. Dans presque toutes les contrées de l’Europe, la haine que ce régime excitait parmi les nations opprimées a fait place à une vénération profonde pour le conquérant, qui, en subjuguant les peuples, les initiait aussi aux bienfaits de l’unité administrative et aux saintes idée s de la révolution. En Hollande pourtant, la domination française s’est signalée par des rigueurs que rien ne saurait faire oublier ; des exactions de toute espèce, des levées continuelles d’hommes et d’argent, ont fait, des années comprises entre 1810 et1815, la période la plus triste peut-être des annales de la Hollande. Napoléon, comme Louis XIV, ne voyait dans la nation hollandaise qu’un peuple de marchands et la pressurait pour en faire sortir de l’or. Les marins hollandais durent endosser l’uniforme pour aller grossir les armées impériales. Près d’un milliard fut tiré des Pays-Bas en quelques années. La réduction de la dette publique, plus tard la banqueroute jetèrent dans la misère des milliers de familles opulentes. La perte des colonies, la ruine du commerce transatlantique tarirent les sources mêmes de la prospérité du pays, et la flotte resta enfermée dans le Texel, bloquée par les escadres anglaises, qui ne laissaient sortir aucun navire.

  1. Voyez, sur la situation financière de la Hollande, l’Annuaire des Deux mondes pour 1850, qui vient de paraître au chapître des Pays-Bas, p. 603-622.