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fades enluminures qui ne sont pas même à la vraie peinture religieuse ce que les vers de Louis Racine sont à la poésie des Psaumes, les deux derniers ducs d’Urbin achevèrent de mettre en honneur dans le pays de Raphaël le culte du médiocre et d’y propager le désordre des idées. On n’essaya plus dès-lors de discerner le mérite de la renommée, ou de la multiplicité des productions. Tel peintre passait pour un grand maître qui n’avait qu’une méthode négative, et, pour toute qualité, que l’absence de défauts évidens; tel autre arrivait au succès en couvrant hardiment une toile en quelques jours. Au milieu de ce conflit de vanités et d’erreurs, il y eut dans le public un redoublement de passion pour le spectacle offert à ses yeux; on s’engoua de l’art qu’on ne savait plus admirer. Les artistes de bas étage, en s’affublant de notoriété, se persuadèrent qu’ils avaient conquis la gloire, et le nombre des peintres célèbres grandit en raison de l’abaissement de la peinture.

Il serait inutile d’insister sur l’histoire de cette affligeante décadence, qui commence avec la seconde moitié du règne de Guidobaldo II et s’achève avant la fin du règne suivant. A quoi bon enregistrer à la suite les uns des autres les talens dégénérés qui pullulent dans le duché d’Urbin, et classer pour mémoire des œuvres sans valeur? Les seules où l’on retrouve encore quelque ressouvenir des anciens principes et une sorte de respect de la saine vérité pittoresque appartiennent à un genre inférieur. Ce n’est ni sur les murs des édifices, ni sur les vastes toiles qu’il faut désormais chercher les traces de l’habileté raisonnée et du goût. Quelques figures d’ornement peintes sur des vases ou des assiettes de faïence, tels sont les monumens d’art les plus dignes d’attention que nous ait légués cette époque; encore, ces humbles produits ne sauraient-ils être comparés, sous le rapport du style, aux produits de même nature des époques précédentes. Les lignes compliquées ont succédé aux formes élégantes dont Timoteo della Vite et Raphaël lui-même ne dédaignaient pas de fournir les modèles. La céramique reçoit sans doute de grands perfectionnemens matériels, mais elle se ressent aussi de l’influence désastreuse exercée sur tous les arts du dessin par Zuccaro et le Baroccio, et, quoiqu’elle ne la subisse que de loin, elle s’associe cependant aux innovations et aux abus.

Les faïences de luxe fabriquées dans le duché d’Urbin formeraient à elles seules une collection où l’on pourrait suivre l’histoire des modifications successives de l’école d’Ombrie aussi bien que les progrès industriels accomplis dans cette partie de l’Italie durant une période d’environ cent cinquante années. Les plus anciennes représentent des sujets sacrés et se recommandent surtout par la précision du dessin. Puis, à mesure que se répand la passion du classicisme, les portraits des héros de l’antiquité, les sujets tirés de Virgile et d’Ovide remplacent les scènes évangéliques. Les formes ont moins de sécheresse,