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insouciance du pays. « Le peuple, dit-il à M. de La Marck dans une lettre du 19 juin 1792, le peuple ne sera plus désormais que le spectateur de ce qui se passera, et il applaudira, comme de raison, au plus fort. Dans le peuple, je comprends la garde nationale, qui n’a aucun ensemble, aucun, esprit de corps ; aucune volonté, et dont les individus seront toujours tranquilles, pourvu que leurs boutiques ne soient pas exposées au pillage[1]. » M. de Montmorin écrivait ainsi le 19 juin 1792, et le 20 juin, les Tuileries étaient envahies, non par le peuple, mais par les bandes que les girondins avaient fait venir du midi et qui, le 20 juin, essayaient le 10 août. « Le peuple de Paris, dit M. de Montmorin en racontant le 20 juin à M. de La Marck, le peuple de Paris ne se remue plus pour rien ; les émeutes sont absolument factices, et cela est si vrai, qu’ils ont été obligés de faire venir du monde du midi pour en faire. Presque tous ceux qui ont forcé les Tuileries ou plutôt qui y sont entrés le 20 étaient étrangers ou curieux, rassemblés par le spectacle que présentait cette horde de piques et de bonnets rouges. »

C’est ainsi que, dans le dernier volume de la correspondance de M. de La Marck, nous voyons à chaque instant s’approcher le fatal dénoûment par la méchanceté ou l’aveuglement des uns, par la lâcheté ou l’insouciance des autres. Eloigné de la France, M. de La Marck n’a plus qu’une seule pensée : c’est de sauver le roi, et après la mort, du roi de sauver la reine. M. de Mercy-Argenteau ne cesse comme lui, de demander aux puissances de l’Europe une intervention énergique et décisive, car ce n’est plus que par les armes étrangères que la reine peut être sauvée il n’y a plus d’espoir en France. « Faute de n’avoir pas cru possible l’assassinat du roi de France, dit M. de Mercy-Argenteau dans une lettre du 29 janvier 1793, peut-être, n’a-t-on pas fait ce qui était faisable pour prévenir cette horreur. Tâchons du moins qu’il n’en arrive pas de même à l’égard de cette infortunée reine, qui doit devenir maintenant le constant objet de notre sollicitude. » M. de La Marck presse et conjure aussi le gouvernement autrichien de tenter quelque chose. « Il faut, dit-il à M. de Mercy-Argenteau dans une lettre du 14 septembre 1793, il faut qu’on comprenne à Vienne ce qu’il y aurait de pénible, j’oserai dire de fâcheux pour le gouvernement impérial, si l’histoire pouvait dire un jour qu’à quarante lieues d’armées autrichiennes victorieuses, l’auguste fille de Marie-Thérèse a péri sur l’échafaud sans qu’on ait fait une tentative pour la sauver ; ce serait une tache ineffaçable pour le règne de notre empereur, et, permettez-moi de vous le dire, monsieur le comte, l’injustice des jugemens humains, ne vous tiendrait pas compte des sentimens que vos amis vous connaissent,

  1. Tome III, p. 311-312.