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ambassadeur des États-Unis en Angleterre, arrivé de Londres le matin pour assister à la course, l’occasion de délivrer un de ces excellens speaches dont il n’est heureusement pas avare. « C’est un jeune enfant, dit-il en parlant de l’événement du jour, qui s’est permis d’avoir raison contre son père. » Enfin tout se passa, de part et d’autre, de la façon la plus courtoise.

La fête se termina par un feu d’artifice comme on n’en voit qu’en Angleterre, où il est possible heureusement de trouver quelquefois à rire. Le fire-work de Cowes était annoncé depuis un mois. Il commençait à neuf heures, à minuit il continuait encore! La première fusée partit sans plus de façon, suivant une ligne horizontale, et dut produire un déplorable effet sur le quai, où se trouvaient réunis un très grand nombre de curieux. Un quart d’heure après, la seconde s’élança avec un peu plus de bonheur, aux applaudissemens d’un public fanatique de ce genre de spectacle. On continua ainsi de lancer des fusées de cinq minutes en cinq minutes pendant une partie de la nuit, avec intervalles de feux du Bengale et autres surprises; mais quels pétards et quels soleils! J’étais allé me poster assez loin, pour jouir du coup d’œil ; après avoir patiemment attendu le bouquet pendant près de deux heures par un vent froid et humide, je rentrai me coucher avec une bonne fluxion, tout en me disant que les Anglais feront bien de prendre des leçons de feux d’artifice en Chine, où l’on est, com.me chacun sait, très fort dans l’art des Ruggieri.

Le lendemain du jour des régates, le club donnait un bal, et c’était chose curieuse que de voir les belles dames en grande toilette qui débarquaient à la lueur des torches sur la Parade; elles venaient de leurs yachts, où elles demeuraient, et à bord desquels elles avaient des établissemens beaucoup plus comfortables à coup sûr qu’elles n’en auraient trouvé dans les hôtels de la ville. Le bal était splendide, et l’orchestre ne jouait que des contredanses françaises. Le succès de l’America a sérieusement fait réfléchir tout le yachting people. On convient maintenant en Angleterre que le système de construction et de gréement appliqué jusqu’à présent aux yachts doit être modifié. Quelques personnes, dans le principe, avaient prétendu que la goélette de New-York était un bateau-pilote renforcé, que le peu de capacité de ses flancs excluait d’avance tous ces aménagemens intérieurs si nécessaires à l’habitation d’un gentilhomme qui va voyager dans la Méditerranée, en Italie, en Égypte, et emmène souvent sa famille avec lui; que tout, dans les navires de plaisir anglais, ne pouvait donc pas être sacrifié à la vitesse, et que la construction de l’America n’avait pas eu un autre but. Or rien n’est plus inexact : Titania, Volante, Arrow et d’autres yachts encore du port de Cowes, notoirement destinés aux courses, ont été aisément battus par le schooner américain. Il est à remarquer