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siège à la chambre des pairs. Vous faites un pléonasme politique si vous la replacez dans les élémens de la chambre élective.... Ce n’est pas seulement un coup d’état contre le gouvernement représentatif, c’est un coup d’état contre la société; c’est une révolution contre l’égalité, c’est la vraie contre-révolution... ce ne sont plus des députés qui siègent à la chambre, ce sont des notables[1]. »

L’opposition de droite ne manqua pas d’objecter à M. Royer-Collard qu’il venait de professer la doctrine du suffrage universel et de la souveraineté du peuple. Et en effet cette doctrine ressortait de ses paroles. L’orateur fut donc obligé de mettre à nu le fond de sa pensée et sa véritable doctrine. Il expliqua, par son discours du 28 mai 1820, qu’il y a deux élémens dans la société : l’un matériel, qui est le nombre et la force des volontés ; l’autre moral, qui est le droit de tous les intérêts légitimes. Que si l’on veut faire régner le premier, on arrive à l’aveugle souveraineté du peuple; que si l’on veut donner l’empire au second, on établit la souveraineté de la justice. La pensée de M. Royer-Collard est ici évidente : il n’est partisan immuable ni de la prépondérance du roi sur la chambre, quoiqu’il l’ait dit autrefois, ni de la prépondérance de la chambre sur le roi, quoiqu’il vienne de le dire; il est pour le gouvernement qui représentera le mieux les intérêts légitimes et par conséquent les droits du pays. Et ces intérêts légitimes, il nous l’a dit plusieurs fois, ils sont dans l’égalité, qui est la base de toutes les libertés, même de la liberté de conscience, qui a conquis notre sol et qui a fait descendre le privilège au tombeau; car, dit-il aux hommes de l’opposition de droite, « ce que vous admirez n’est point admirable; la multiplicité des rangs et des conditions, c’est l’enfance des sociétés : on ne viole pas impunément les mœurs publiques. Quand l’état d’une société est fixé et qu’il est manifeste, il est la conduite de la Providence sur cette société, et la soumission lui est due comme à tout ordre établi. C’est là le véritable droit divin... Il y a une faction née de la révolution, de ses mauvaises doctrines et de ses mauvaises actions, qui cherche vaguement peut-être, mais qui cherche toujours l’usurpation, parce qu’elle en a le goût encore plus que le besoin. Il y a une faction née du privilège, que l’égalité indigne, et qui a besoin de la détruire... Je reconnais l’une à la haine de toute autorité légitime, politique, morale, religieuse; l’autre, à son mépris instinctif pour tous les droits, publics et privés, et à la cupidité arrogante qui lui fait tout convoiter dans le gouvernement et dans la société. »

Cette faction remportait chaque jour de nouveaux avantages. A la fin de l’année 1820, M. de Corbière fut nommé président de la commission de l’instruction publique, et devint ministre d’état avec

  1. Discours du 17 mai 1820.