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nous quittâmes le sultan pour ne plus le revoir. Notre attention jusqu’alors lui avait été exclusivement consacrée. Absorbés tout entiers dans la contemplation de ce vieux souverain, nous avions presque oublié de jeter les yeux sur son royaume. Ce ne fut qu’après cette nouvelle fête, qu’arrivés à Ternate depuis trois jours, nous songeâmes à parcourir une île qui méritait cependant moins d’indifférence. Le territoire de Ternate, habité par une population de sept mille âmes, est peu considérable. Les pentes adoucies du volcan entourent d’une ceinture de bosquets et de champs cultivés le sommet au double cratère qui s’élance brusquement vers le ciel. Du côté du nord-est, la montagne est entièrement dépouillée de végétation; de longs sillons noirâtres marquent encore la route qu’a suivie, en 1838, la lave incandescente. Du côté opposé et faisant face à l’île de Tidor, s’étend une longue allée plantée d’arbres que bordent les maisons de la ville européenne. En suivant cette avenue vers le nord, on traverse le marché où chaque soir, à la lueur des torches, les échoppes malaises étalent, avec le riz pimenté qu’enveloppent de larges feuilles de bananier, les divers produits de cette île féconde. C’est à la sortie du marché que le campong chinois déroule sa double rangée de boutiques et fait briller, dès que la nuit succède au jour, ses énormes lanternes de papier. Plus loin, le fort d’Orange développe parallèlement au rivage sa vaste enceinte rectangulaire, qui renferme les magasins et les logemens de la garnison. Au-delà du fort hollandais se déploie la ville malaise, dominée par le dalem du sultan et signalée par le toit à quatre étages de sa mosquée. Les rians enclos de cette cité paresseuse sont unis par des barrières de bambou. Une longue route sablée serpente entre ces jardins, et au-dessus des haies en fleurs les branches touffues des manguiers et des pamplemousses étendent comme de verts écrans leur ombre protectrice. Si vous dépassez le quartier malais, si vous continuez à suivre le rivage, vous rencontrerez bientôt de vastes terrains éclaircis par la flamme et envahis par les hautes herbes des jungles. C’est là que le cerf de la Malaisie erre en troupes nombreuses et qu’effrayé par les cris perçans des chasseurs, il tombe sous leurs coups avant d’avoir pu gagner la montagne ou le refuge des bois impénétrables.

Si, rentrant au contraire dans la ville européenne, vous dirigez vos pas vers le sud, de nouvelles avenues, bordées d’une végétation plus riche encore, vous conduiront aux fraîches retraites que se sont ménagées sur le bord de la mer les riches habitans de Ternate; mais quittez plutôt la terre ferme, qu’une pirogue vous fasse descendre en moins d’une heure le canal de Tidor, et vous dépose, à cinq milles de la ville, sur le rivage de Ternate. Saisissez cette échelle de bambou, franchissez sans hésiter la falaise, et, tournant le dos à la mer, admirez la