Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
REVUE DES DEUX MONDES.

chambre des états a formé son bureau et réélu pour président M. Borcel, dont elle avait pu apprécier dans plus d’une circonstance la direction ferme et intelligente. Puis a commencé la discussion de l’adresse. Elle s’est moins prolongée qu’il n’est arrivé quelquefois, et n’a point par conséquent retardé plus que de raison l’expédition d’affaires plus positives. Il s’est cependant trouvé dans cette discussion deux points assez vivement débattus, et sur lesquels nous insistons, parce qu’ils touchent à des côtés assez curieux de l’établissement néerlandais. La dernière malle de l’Inde apportait la nouvelle de la destitution d’un haut fonctionnaire de Java, M. Senn van Bazel, employé au département des finances. Celui-ci aurait été ainsi frappé pour avoir transmis directement au roi des griefs particuliers, au lieu de s’adresser au gouvernement des Indes. Cette puissante administration coloniale prétend exercer une autorité presque souveraine dans sa sphère, et supprimer toute relation immédiate entre ses administrés et le gouvernement central de la mère-patrie. Le conseil des Indes juge en dernier ressort et sans appel : c’est ce conseil qui avait prononcé l’arrêt porté contre M. Senn van Bazel. Les chambres ne paraissent pas souffrir volontiers ce despotisme privilégié qui crée un gouvernement dans le gouvernement ; la métropole n’entend point abdiquer, et l’on a demandé de plusieurs côtés des éclaircissemens au ministère, qui s’est excusé de n’en point fournir davantage, faute de nouvelles ultérieures. La question ne tardera donc pas à reparaître : c’est la cause du roi constitutionnel contre l’administration traditionnelle des colonies.

Le second objet qui a fortement saisi l’attention de la seconde chambre, 9’a été un débat très vif sur l’instruction publique. M. Groen van Prinsterer demandait, par un amendement exprès un règlement provisoire pour l’enseignement national. M. van Dam van Isselt a pris occasion de cet amendement, qui n’a point d’ailleurs abouti, pour défendre chaleureusement l’institution féconde des écoles mixtes, auxquelles la Hollande est si redevable. Le ministre de l’intérieur, M. Thorbecke, n’a voulu s’engager ni sur l’époque à laquelle il proposerait la loi de l’enseignement, ni sur le système qu’on adopterait ; mais il a solennellement déclaré que l’on ne romprait à aucun prix avec les tendances à la fois si sages et si libérales qui dominent depuis si long-temps l’instruction publique en Hollande. En définitive, les adresses des deux chambres sont la garantie rassurante d’un très bon accord entre la législature et le gouvernement. Le discours même de M. van Dam a prouvé que la conciliation s’opérait dans les esprits éclairés et patriotiques pour les difficultés religieuses comme pour les autres, et il faut espérer que la Hollande saura garder aussi de ce côté-là un esprit de paix que ses voisins de Belgique ont malheureusement trop sujet de lui envier.

ALEXANDRE THOMAS.


V. de Mars.