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les Bourguignons se trouvaient près de Mayence, ayant pour chef Gondicaire, aïeul du roi Gondebaud, et, en 413, ils constituèrent un premier royaume situé entre Mayence et Strasbourg et dont Worms fut la capitale. En 436, Gondicaire et son armée essuyèrent de la part des Huns une sanglante défaite; une partie de la nation fut assujettie par les vainqueurs, l’autre chercha un asile en Savoie, où elle fut reçue par Aëtius. En 451, ces Bourguignons combattirent avec le général romain contre Attila; enfin, en 456, ils quittèrent la Savoie, appelés par diverses provinces de la Gaule qui voulaient s’affranchir des impôts, et fondèrent un second royaume qui s’étendait en 470 jusqu’aux bords de la Loire, qui comprenait Lyon en 773, et qui, à partir de cette époque, avait pris toute l’étendue qu’il devait conserver depuis.

Le travail de M. Roget de Belloguet est remarquable à tous égards. Il faut suivre, à travers mille détails de critique, la discussion de l’auteur pour apprécier toute la difficulté que présente l’élucidation de certains faits historiques, il y a là, condensées en deux cents pages, les recherches et les études de plusieurs années. M. de Belloguet, contrairement à la plupart des érudits de province, a souvent pris l’offensive contre des écrivains modernes dont le nom est invoqué comme une autorité souveraine, et la discussion à laquelle il se livre pour rectifier leurs assertions montre combien il serait important de soumettre ainsi l’histoire générale à la critique particulière. Nous avons dit, en parlant du livre de M. Delisle sur l’agriculture normande, qu’il était à souhaiter qu’on entreprît pour les diverses provinces de semblables recherches; nous émettrons le même vœu à propos de M. Roget de Belloguet. On aurait ainsi, d’une part, l’histoire même de la terre et des hommes qui l’ont fécondée par le travail, et de l’autre, celle des races qui l’ont conquise par les armes et fécondée par le sang.

Les Origines dijonnaises de M. Roget de Belloguet présentent les mêmes qualités que les Questions bourguignonnes. Dans ce travail, divisé en trois parties, l’auteur examine l’origine de Dijon d’après les anciens écrivains, d’après les étymologistes modernes et d’après les monumens. Il écarte impitoyablement et avec une grande vigueur de critique toutes les opinions suspectes, toutes les erreurs traditionnelles, et il établit d’une manière péremptoire les trois faits suivans : 1° Il est faux, comme on l’a dit jusqu’à présent, que la ville de Dijon doive son origine aux légions de César; 2° aucune preuve n’établit qu’elle remonte même au temps d’Auguste; 3° on ne trouve de témoignages certains de son existence que vers la fin du IIe siècle. — La nouvelle édition des Mémoires de l’abbé Lebeuf sur la ville et le diocèse d’Auxerre, édition à laquelle MM. Quantin, Challe et Victor Petit ont donné leurs soins; les Esquisses dijonnaises de M. de La Cuisine et la Notice historique de M. Victor Dumay sur les inventions, découvertes et perfectionnemens relatifs à l’industrie qui ont été faits dans la ville de Dijon et son arrondissement, appartiennent, comme la publication de M. Belloguet, à l’école positive[1].

  1. Le plus fécond de tous les écrivains bourguignons est sans contredit M. Joseph Bard. Il a publié depuis 1832 vingt-quatre ouvrages archéologiques et liturgiques, un livre de piété, cinq ou six poèmes, trois volumes d’éducation, cinq de voyages, dix de politique et d’économie politique, trois traductions, cinq biographies, etc., etc. Il a travaillé à quatre-vingt-seize journaux et recueils, et de plus, dans la spécialité qui nous occupe, il a écrit les histoires de Beaune, de Chagny, de Nuits, de Dijon et d’Auxonne. M. Joseph Bard est loin d’appartenir à l’école historique positive.