Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CONVENTION





Histoire de la Convention nationale, par M, de Barante.




Le nom de la convention, pendant près de trente années, n’a été prononcé en France qu’avec un sentiment d’horreur sans réserve et sans mélange. Les plaies étaient encore saignantes et les souvenirs inflexibles. Il fallait qu’un quart de siècle eût passé sur tant de crimes, pour que l’idée pût naître de les voiler et de les travestir. Jusque-là, d’où serait venue l’indulgence? Même au sein des familles qui, par exception, conservaient sous l’empire le culte des idées de 89, qui bénissaient en silence les bienfaits de la révolution, qui en admiraient les premiers élans, la moindre tentative, non d’éloge, mais d’excuse envers les hommes de la terreur, eût été accueillie comme un délire ou un blasphème. S’il existait encore quelques incorrigibles amis de ces hommes et de cette époque, ils vivaient loin du monde, ou bien ils se cachaient sous les livrées impériales, s’avouant à peine à eux-mêmes leurs secrètes sympathies, et prenant soin d’en faire mystère aux autres comme d’une infirmité repoussante.

Aussi l’étonnement fut grand lorsqu’en 1821 M. Garat, puis, quelques années plus tard, deux jeunes écrivains d’un rare talent se hasardèrent à peindre sous un jour tout nouveau cette assemblée que le pays n’avait encore appris qu’à maudire. Jusque-là tout le monde avait cru que la révolution française n’était devenue spoliatrice et sanguinaire que par une succession de fautes, de faiblesses, de perversités, qui n’avait rien de nécessaire ni de providentiel. On se croyait en droit de blâmer, de détester ces fautes, ces excès, ces faiblesses, comme on blâme, comme on déteste les déportemens et les vices d’un simple