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d’un air attendri. Le mouvement de sa chemisette trahissait l’agitation de son cœur.

— Me parler d’amour ! dit-elle d’une voix altérée, c’est inutile ; je sais bien que vous m’aimez. Ah ! j’en conviens, il n’est pas de plus grande preuve de tendresse, pour un garçon paresseux comme vous, que de rompre courageusement avec ses mauvaises habitudes et de prendre un état pour me plaire. J’en suis touchée, Nino. Continuez à vous bien conduire, et il n’est pas impossible que je sois un de ces jours la femme d’un bon domestique.

Nino jeta sa casquette en l’air et se mit à faire cent gambades si bouffonnes, que le sérieux de Giovannina n’y résista pas ; mais, au milieu de ses contorsions joyeuses, le petit lazzarone s’arrêta tout à coup, un pied en l’air, un bras étendu, la bouche ouverte, comme s’il eût aperçu un fantôme. Bérénice était debout en face de lui.

— Danse, danse, perfide ! s’écria-t-elle. Voilà donc pourquoi tu ne viens plus au Vomero. C’est pour cette intrigante que tu m’abandonnes ! Va, je devine qu’elle t’a séduit par des coquetteries. Je te pardonne ta faute ; mais ta maîtresse-blanchisseuse n’est pas où elle se l’imagine avec moi, et je lui apprendrai à me voler mon amant.

— Je n’ai jamais rien volé, répondit Giovannina, pas plus un amant qu’autre chose, entendez-vous cela ? Nino s’est donné à moi volontairement, librement, sans que je l’en aie sollicité, bien au contraire ; c’est lui qui est venu me relancer chez moi, où je songeais un peu à lui, je ne le nierai point, parce qu’il est aimable et gentil, mais où je ne l’ai attiré ni retenu en aucune façon. Et, puisqu’il s’est donné à moi librement, je le garde, et je l’épouserai malgré vous, car il ne vous aime point. Tout à l’heure je viens, pour la première fois, d’encourager son amour. Le ciel m’est témoin que je ne lui ai qu’à peine avoué ma tendresse pour lui. Ce sont vos menaces qui la font éclater. À quoi voit-on, s’il vous plaît, qu’il est votre amant, si c’est moi qu’il veut épouser, et non pas vous ?

— Dieu bon ! s’écria Bérénice. On le voit à ceci qu’il m’a promis mariage, qu’il m’a fait la cour quinze jours durant à la fontaine, et que j’ai pris pour sincères ses protestations et ses sermens. Vous ne nierez pas, j’espère, que vous me l’avez débauché. Parle, Nino : m’as-tu trahie, oui ou non ? Parle donc, petit monstre !

— Belle Bérénice, calmez-vous, bégaya Nino. Il vous semble que je vous ai trahie…

— Il me semble ! reprit Bérénice, quand je te surprends aux genoux d’une autre ! quand tu me délaisses pendant quatre jours pour courir après une fille plus riche que moi et qui t’a payé ces habits que tu portes ! Il me semble !… quand je te trouve changé en seigneur et vêtu comme un prince ! Mais que vois-je donc là ? Dieu puissant ! il a des