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les moindres améliorations changeraient le rendement. Que l’on compare les méthodes de lavage que nous venons de décrire avec les méthodes employées dans les centres minéralogiques de l’Allemagne, et l’on verra quelle perte énorme subissent les exploitans du Tipuani, par l’ignorance où ils sont de ce qui se passe ailleurs. Il y aurait pourtant un grand parti à tirer de l’intelligence des Indiens qui travaillent dans ces contrées : merveilleux ingénieurs, sans études, sans instrumens, dans un pays accidenté, où chaque ravin suit un niveau différent, ils tracent des canaux qui ont plusieurs lieues de long, coupent des rochers, changent en canaux le lit des ruisseaux, tournent d’immenses montagnes, et arrivent au point désigné avec une précision vraiment digne de l’admiration des hydrographes.

Quoique moins productifs que les travaux des playas, ceux de cocheo ne sont pourtant point à dédaigner. Dans un lavage opéré en 1849 par M. Villamil, on a lavé neuf tonneaux (9,000 kilogrammes) de terre extraits du venero et du venerillo. Le produit a été de 18 onces et 10 drachmes d’or, soit un peu plus de 2 onces par tonneau. Le travail d’extraction et de lavage équivalait à celui d’un homme pendant cent cinquante jours, au prix d’une piastre par jour. Il faut y ajouter les pertes sur les avances faites aux ouvriers, celles sur les outils et autres, évaluées à 50 pour 100, ce qui fait un total dépensé de 225 piastres. La valeur de l’or sur le marché de la Paz étant à cette époque de 17 piastres 4 réaux l’once, on obtenait le résultat suivant :

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Frais d’extraction et de lavage 150 piastres
Avances et pertes de tout genre, 50 pour 100 75
Total dépensé 225 piastres.
18 onces 10 drachmes d’or à 17 piastres 4 réaux l’once 326 piastres.
Bénéfice sur l’opération 101 piastres.

C’est-à-dire près de 45 pour 100 du capital employé. Il est vrai de dire que ces profits sont minimes en comparaison de ceux qu’on recueille dans les playas, quand la fièvre tierce ne sévit pas trop fort et que les orages ne sont pas fréquens. Dans l’année 1846, qui fut regardée comme bonne sous ce rapport, M. Zavalà, pour une dépense de 37,000 piastres (185,000 fr.), a retiré une valeur de 156,000 piastres (780,000 fr.), soit cinq fois son capital. Qu’on juge par là de ce que pourrait faire la science et l’économie européenne appuyées de capitaux suffisans.

Les Indiens qui travaillent aux lavages sont malheureusement souvent exploités par les entrepreneurs. Un administrateur réside à Sorata et se charge de faire les embauchages d’ouvriers. Ceux-ci gagnent 16 piastres pour vingt jours de travail, après lesquels ils s’en vont à cause des fièvres tierces qui les atteignent souvent. En contractant leur engagement, les Indiens se font donner des avances. Il est rare qu’ils reçoivent ces avances en espèces; on les leur donne en marchandises dans un magasin où un compte leur est ouvert, et où ils puisent suivant leurs besoins. Il en résulte presque toujours qu’au bout de la saison l’Indien est débiteur et forcé de contracter un nouvel engagement pour garantie de sa dette. Néanmoins il arrive fréquemment aussi