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La couche de banqueria extraite est disposée en tas et lavée comme celle de la playa simple.

Les travaux de playa et de banqueria se poursuivent seulement pendant la saison sèche, du mois d’avril au mois de septembre, et, même pendant ce temps, il arrive souvent que les orages viennent les interrompre et remplir les puits. Jadis on n’employait à l’épuisement de ces réservoirs que des seaux de cuir mus par des Indiens. Ce moyen coûteux et imparfait a été remplacé depuis cinq ans par la roue hydraulique dont M. Witley a fait la première application ; mais ces machines sont d’une construction imparfaite et ne suffisent ni à préserver les puits d’une infiltration constante, ni à les sécher rapidement lors des pluies d’orage. Avec des machines mieux entendues, on pourrait travailler pendant un bien plus grand espace de temps et avec une économie notable. Du reste, les méthodes d’exploitation usitées en Bolivie ne sont pas nouvelles et ont conservé l’empreinte de l’ignorance des âges primitifs. On a trouvé dans la banqueria de San-Juanito les anciens travaux des Indiens, qui, sous le règne des Incas, travaillaient déjà par puits et galeries, comme on le fait encore aujourd’hui.

Le travail de cocheo ou faldeo est une opération par laquelle on lave les flancs de la montagne. Quand on a reconnu la présence de l’or à la teinte rougeâtre dont il colore le terrain et qu’on a déterminé le point d’où partira le lavage, on creuse un canal dont l’étendue a souvent plusieurs lieues. Toutes les eaux supérieures, souvent même de petites rivières, sont détournées el emprisonnées dans ce canal, qui les conduit à de larges réservoirs. Il faut à partir de là que la pente soit très douce et que les eaux puissent couler lentement, car les plus grandes richesses se trouvent sur les versans mollement arrondis des coteaux, tandis qu’on trouve peu d’or sur les flancs abrupts des montagnes. Le venero et le venerillo recouvrent les pentes des collines, et augmentent d’épaisseur à mesure qu’ils s’éloignent du lit de la rivière jusqu’à ce qu’ils rencontrent la roche primitive. Souvent, dans les playas et le lit de la rivière, ces deux strates ont disparu, emportées par la violence des courans.

Quand une fois les réservoirs sont jugés suffisamment pleins, on lâche les eaux, qui entraînent avec elles tout le terrain supérieur, puis on recueille la couche aurifère, qui subit le même traitement que nous avons vu appliquer aux playas. Le procédé que nous venons de décrire est cependant moins productif que les autres, car il est rare qu’on atteigne le plan, et généralement on n’opère que sur les couches moins riches, telles que le venero et le venerillo. En général, d’ailleurs, les travaux du cocheo s’exécutent sans qu’on ait commencé par reconnaître tous les points où l’extraction pourrait être avantageuse, de telle sorte qu’au lieu de disposer un canal pour une suite d’opérations successives, on ne le creuse que pour un seul lavage. Chaque année, des travaux improductifs viennent ainsi grever inutilement le budget de l’entrepreneur. Le cocheo ne parait pas avoir eu pour but principal d’augmenter les bénéfices des extracteurs, mais seulement d’employer sans perte, pendant la saison des pluies, les Indiens dont les bras sont nécessaires pour travailler les playas et banquerias pendant la saison sèche. La tradition est là, avec ses routines et ses préjugés, que nul ne songe à secouer, et perpétue une exploitation vicieuse dont