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facturés dont les habitans ne peuvent se passer. La cherté des transports, la difficulté des arrivages limitent les retours aux seuls produits qui joignent une grande valeur à un petit volume. Les écorces de quinquina, un peu d’étain, de cuivre et des piastres fortes peuvent seuls supporter les frais de route jusqu’à la côte où se fait l’embarquement; mais tous les produits naturels de ce pays essentiellement agricole meurent sur pied, pour peu que l’abondance de la récolte dépasse la consommation bien restreinte des populations qui vivent sur le sol de la république.

Une telle situation paraît devoir se prolonger tant que le mouvement d’expansion de la Bolivie sera exclusivement dirigé vers le Pacifique. Les discordes civiles, les agitations d’une société divisée en deux classes bien distinctes : — les Indiens qui travaillent la terre et fournissent le pain de chaque jour, les blancs descendus des Espagnols qui se partagent tous les emplois, — telles sont les conséquences de cette absence de débouchés, si funeste à l’essor des intérêts matériels, et qui refoule vers la carrière des emplois publics toutes les forces vives du pays. Comment détourner ces forces vers une arène moins étroite? comment les diriger vers des voies plus fécondes? Faut-il attendre qu’une exploration scientifique ait étudié les grands territoires qui séparent la Bolivie de l’Atlantique? Assurément, dès que les immenses et fertiles plaines de la république bolivienne pourront enfin écouler leurs produits vers l’Europe par une voie sûre et facile, dès ce moment la fécondation du sol deviendra le but principal de toutes les ambitions dévoyées qui se disputent aujourd’hui les charges administratives; mais, en attendant l’époque où sera organisée la navigation des grandes artères fluviales de l’Amérique, n’y aurait-il pas d’autres moyens d’attirer la spéculation européenne vers la Bolivie, et de donner, dans cette république même, une salutaire et puissante impulsion aux bras comme aux capitaux inoccupés? Ces moyens existent, et pour les découvrir, la Bolivie n’a qu’à interroger son histoire. C’est dans la production de l’or qu’elle doit trouver cette base qui chez elle a manqué jusqu’à ce jour aux grandes entreprises. Dès le règne des Incas, les ruisseaux aurifères de la Bolivie étaient le théâtre d’une exploitation active et fructueuse qui ne s’est jamais entièrement interrompue, mais dont les procédés de l’industrie moderne pourraient accroître singulièrement l’importance : c’est l’état actuel des lavages aurifères de la Bolivie que nous voudrions essayer de faire connaître, et par les résultats qu’obtiennent aujourd’hui les chercheurs d’or de Bolivie, on pourra juger de ceux qui les attendent dans l’avenir.

C’est sur le Tipuani que la spéculation des laveurs d’or a concentré ses efforts. Cette rivière prend sa source dans la région de la cordillère qui s’étend de l’Illimani à l’Illampu, sur une longueur d’environ quatre-vingts milles, partagée en profondes fissures, toutes arrosées et fertiles, dont plusieurs, connues sous le nom de yungas, donnent, avec une merveilleuse abondance, tous les produits des Antilles, Les ravins creusés par les nombreux épanchemens des réservoirs neigeux de cette cordillère forment plus de soixante-sept cours d’eau[1],

  1. Sur ces soixante-sept cours d’eau, vingt-six se jettent dans le Mapiri ; le plus grand nombre se réunissent à la rivière de la Paz, qui se joint elle-même au Béni.