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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 décembre 1851.

La parole est aux événemens, et l’on connaît ceux qui se sont accomplis. Ce n’est le moment ni de les raconter, ni de les caractériser ; ils entrent à peine dans l’histoire. Quelques jours seulement nous séparent du scrutin du 20 décembre ; nous attendons le régime nouveau qui doit en sortir. Aujourd’hui nous resterons dans le domaine purement littéraire. Quand fut-il d’ailleurs plus nécessaire de rasséréner les âmes, de combattre les fausses doctrines, de défendre ces lois sociales qui n’auraient jamais besoin d’appeler la force à leur aide, si on les avait toujours entourées d’assez de déférence et de respect ? Comment se dérober à cette mission réparatrice qui peut changer de forme suivant les vicissitudes publiques, mais qui s’exerce constamment au nom des mêmes vérités ? L’anarchie intellectuelle et morale, tel est malheureusement le funeste point de départ de ces passions fébriles que nous voyons se traduire en déchiremens et en désordres. Ah ! détournons nos regards de ces sinistres images et de nos discordes intérieures. Reportons-les plutôt là où il y a pour notre drapeau des gloires moins pénibles à acquérir, et où l’ascendant de la France se manifeste, comme il vient d’éclater sur les côtes marocaines devant Salé.

Plus que jamais il s’agit de rétablir dans le domaine de la pensée ce sentiment de réparation et d’ordre, ce culte pour le vrai et le bien, trop long-temps oubliés au milieu des enivremens de la prospérité. Que de fois alors ceux qu’on traitait de censeurs importuns ont averti les intelligences contemporaines qu’elles se préparaient, par leurs prodigalités brillantes, des jours d’angoisse et de regret, qu’elles imitaient ces millionnaires imprévoyans qui, à force d’abuser du superflu, finissent par perdre le nécessaire ! Que de fois ils se demandaient, avec une sorte de douloureux pressentiment, si les coupables excès des imaginations ne creusaient pas sous nos pieds ces abîmes qui, en s’entr’ouvant, laissent échapper des flammes menaçantes et de livides lueurs ! Ce rôle