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il revient bien avant dans la nuit. Nous avons un catalogue instructif des livres favoris des ouvriers de l’atelier : tous ces livres sont la menue monnaie des théories matérialistes du dernier siècle. Les mêmes hommes qui haussent les épaules à la lecture des livres de Moïse, qui pensent que le Deutéronome fut un livre bon pour le temps où il fut écrit, se sentent tout fiers d’être les disciples de M. Combe et croient à son livre sur la Constitution de l’homme. Ils pensent s’être affranchis du joug des préjugés, ils se félicitent de ne plus croire aveuglément, et ils ne s’aperçoivent pas qu’ils n’ont fait que changer de maîtres, et qu’au lieu d’un révélateur qu’ils ont rejeté, ils ont choisi un impie. Un certain Robison entre autres, lecteur assidu du journal le Raisonneur, confesse que la religion est bonne pour les femmes, mais que les hommes, en vertu de leur constitution supérieure, peuvent facilement s’en passer. Cependant tous ne sont pas sans inquiétude sur leurs opinions, ils ne sont pas tous des sceptiques aussi déterminés qu’ils en ont l’air : l’un est Écossais, et, malgré tous ses efforts, le souvenir de son éducation presbytérienne vient jeter une ombre sur ses opinions de fraîche date; l’autre est retenu par la ferveur protestante de sa mère ou de sa femme, car les femmes dans ce livre apparaissent comme les anges tutélaires de la famille et les victimes expiatoires des péchés des impies. La résignation, le courage, la souffrance, sont le lot de ces femmes qui, abandonnées par leurs maris ou leurs frères pour le club et le cabaret, les accompagnent pourtant dans les prisons, dans l’exil et les lointaines colonies. C’est grâce à elles que John Drayton, le jeune apprenti mécanicien, évite de tomber dans le scepticisme et les passions anarchiques de ses compagnons; c’est par elles qu’il est préservé du vice, de la corruption et du malheur. Telle est la donnée du livre dont nous parlons. Rachel Wyld la fille du chartiste exilé, mistress Wyld la mère de Rachel, qui n’ont pu obtenir aucun empire sur l’ame trop endurcie de leur père et de leur mari, s’en consolent en arrachant le jeune Drayton aux dangers qui l’attendent, et elles, les femmes du peuple, jouent auprès de Drayton le noble rôle que l’aristocratique Éléonore Staunton jouait auprès d’Alton Locke. Les femmes, dans John Drayton comme dans Alton Locke, ne participent pas aux passions des hommes, elles réagissent au contraire contre leurs opinions : en elles se conservent le courage, la foi, la constance des ancêtres.

John Drayton est écrit dans un sentiment anti-chartiste, et où l’esprit protestant est très marqué. Le livre ne porte pas le nom de l’auteur, qui, dans la préface, déclare se nommer M. Mitchell, professeur à l’école de Saint-George. Nous sommes porté à croire véritables le nom et la profession de l’auteur, car il y a dans son livre d’assez nombreuses traces de pédantisme; mais peu importe, ce roman a été écrit par un homme de bonne volonté, et à toutes les pages on retrouve