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Ce grand travail religieux se trahissait au-dehors par des faits significatifs et qui annonçaient une prochaine éclosion. On vit une foule d’hommes mécontens de l’ancien culte se mettre en voyage pour aller à la recherche de la meilleure religion, essayer tour à tour les différens cultes existans, et, en désespoir de cause, se créer une religion individuelle en harmonie avec leurs besoins moraux. Toute apparition religieuse est ainsi précédée d’une sorte d’inquiétude et d’attente vague qui se manifeste dans quelques ames privilégiées par des pressentimens et des désirs. L’islamisme eut son Jean-Baptiste et son vieillard Siméon[1]. Quelques années avant la prédication de Mahomet, tandis que les Koreischites célébraient la fête d’une de leurs idoles, quatre hommes plus éclairés que le reste de leur nation se réunissaient à l’écart de la foule et se communiquaient leurs pensées. « Nos compatriotes, se disaient-ils, marchent dans une fausse voie ; ils se sont éloignés de la religion d’Abraham. Qu’est-ce que cette prétendue divinité à laquelle ils immolent des victimes et autour de laquelle ils font des processions solennelles ? Cherchons la vérité, et pour la trouver, quittons, s’il le faut, notre patrie et parcourons les pays étrangers. » Les quatre personnages qui formaient ce projet étaient Waraca, fils de Naufal, Othman, fils de Howayrith, Obeydallah, fils de Djahsch, et Zeyd, fils d’Amr.

Waraca avait puisé dans ses relations fréquentes avec les chrétiens et les Juifs une instruction supérieure à celle de ses concitoyens. D’après une croyance assez généralement répandue, il était persuadé qu’un envoyé du ciel devait bientôt paraître sur la terre, et que cet envoyé devait sortir de la nation arabe. Il avait acquis la connaissance de l’écriture hébraïque et lu les livres saints. Khadidja, sa cousine, lui ayant raconté la première vision de son mari, il déclara que Mahomet était le prophète des Arabes et prédit les persécutions qu’il endurerait. Il mourut peu après, n’ayant entrevu que l’aurore de l’islamisme.

Othman, fils de Howayrith, se mit à voyager, interrogeant tous ceux dont il espérait tirer des lumières. Des religieux chrétiens lui inspirèrent du goût pour la foi de Jésus-Christ. Il alla se présenter à la cour de l’empereur de Constantinople, où il reçut le baptême. — Obeydallah, fils de Djahsch, après d’inutiles efforts pour arriver à la religion d’Abraham, demeura dans l’incertitude et le doute jusqu’au moment où Mahomet commença sa prédication. Il crut d’abord reconnaître dans l’islamisme la vraie religion qu’il cherchait ; mais bientôt il y renonça pour se vouer définitivement au christianisme. —

  1. Le bouddhisme aussi. À la vue des apparitions merveilleuses qui accompagnent la naissance de Bouddha, un anachorète de l’Himalaya, possédant les cinq sciences transcendantes, vient à Kapila à travers les cieux, prend l’enfant dans ses bras, et reconnaît en lui les trente-deux signes du grand homme et les quatre-vingts marques du Bouddha.