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enfans, des femmes et des vieillards, qui souille chacune des expéditions annuelles, a pour cause l’impossibilité où le roi se trouverait de gouverner la vaste étendue de pays courbée sous son joug.

Jusqu’à présent, toute résistance des populations voisines a fini par être surmontée; mais il faut dire aussi que le courage n’est pas ce qui distingue en général les tribus africaines. La puissance de Guezo a frappé tous les esprits d’une telle terreur, qu’il faut un véritable héroïsme pour se défendre contre ses agressions. On le pourrait cependant. L’armée du Dahomey est plus effrayante que dangereuse, et sans cesse elle éprouve des défaites qu’avec un peu plus de fermeté et de suite les peuplades environnantes pourraient transformer en déroutes complètes. En 1840, la nation des Attabpahms, instruite de l’approche de cette armée, prit la résolution de repousser son attaque, et elle eut soin de mettre auparavant les femmes et les enfans en sûreté sur un territoire voisin. Au moment de subir l’assaut de l’ennemi, le plus grand nombre des défenseurs de la ville, frappé d’une panique insurmontable, jeta ses armes et s’enfuit. Quatre cents hommes seulement restèrent à leur poste. Ces braves se ruèrent sur les soldats de Guezo, ils portèrent le désordre dans les rangs ennemis, et, si le gros de l’armée n’avait été rallié par le corps des amazones, qui, en exécutant une charge vigoureuse, changea la face du combat, quatre cents hommes auraient eu la gloire de battre une armée régulière et permanente de douze mille soldats.

Les crânes des chefs ennemis tués chaque année dans les razzias de Guezo sont vernis et précieusement conservés dans de vastes bassins que le roi de Dahomey avait fait apporter à ses pieds le jour où M. Forbes fut admis devant lui. Le contenu de ces bassins servit de texte aux improvisations des rapsodes. Durant la fête, plusieurs soldats des deux sexes vinrent demander au roi de les conduire contre la ville d’Abeo-Kutah. Au moment de congédier sa suite, Guezo, que les injonctions de ses prétoriens avaient mis de mauvaise humeur, leur adressa la mercuriale suivante : « Le chasseur achète un chien, et, lorsque l’animal est instruit, il le mène à la chasse sans lui dire quel gibier il veut abattre. Arrivé dans la forêt, il aperçoit une proie, et, grâce à l’éducation qu’il a donnée à son chien, celui-ci poursuit la bête sauvage. Si le chien revient vers son maître sans rapporter le gibier, le chasseur, dans sa colère, le tue, et laisse sa carcasse exposée aux loups et aux vautours. Je suis le chasseur, et vous êtes le chien. Si je vous ordonne de battre les buissons et que vous ne le fassiez pas, vous serez châtiés. Si je disais à mon peuple de mettre ses mains dans le feu, est-ce qu’il ne devrait pas m’obéir? Sachez donc vous conformer à mes ordres, et, quand vous serez menés par moi sur le champ de bataille, souvenez-vous de vous conduire comme des gens qui