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qu’on inflige dans ce royaume aux épouses infidèles. Quand une des noires houris du harem royal est la coupable, sa mort et celle de son complice vengent le souverain blessé dans ses affections. La décapitation est la peine qu’ils encourent. En des contrées voisines, à Grand-Bassam, par exemple, où la France possède un comptoir, les faveurs illicites du beau sexe ne s’achètent même qu’au prix du plus affreux supplice. L’amant trop heureux qui a gagné les affections de la femme d’un chef est enterré vif.

Un capitaine au long cours, M. Lartigue, a fait à ses armateurs un rapport plein d’intérêt sur les institutions et les mœurs du Grand-Bassam. Son travail, qui vient d’être publié par le département de la marine, contient, à ce sujet, le récit véridique d’une scène dont il a été témoin. « Toute la population, dit M. Lartigue, était assemblée autour du roi : un homme, convaincu d’avoir entretenu des relations adultères avec l’une des femmes de ce chef, allait subir le dernier supplice. Le malheureux avait les mains et les pieds liés; sa bouche avait été bourrée d’herbes sèches, et son visage était enveloppé de feuilles de bananiers dans lesquelles on avait pratiqué de petits trous à la hauteur des narines pour prévenir l’asphyxie. Derrière le patient était creusée la fosse où il allait être enseveli vivant après les horribles formalités en usage en pareille circonstance. Les personnages marquans, en tête desquels marchaient les plus âgés, apostrophèrent tour à tour le prisonnier en lui reprochant durement son crime; ils l’accablaient d’anathèmes et d’imprécations qui se terminaient invariablement par un coup de pied, en signe de mépris. Lorsque le coupable eut subi cette longue torture, des chœurs de femmes entonnèrent des chants lugubres au bruit discordant du tam-tam; puis à ce vacarme succéda un silence de mort, et, sur un signe du roi, le malheureux fut précipité dans la fosse, que la foule frénétique et sauvage combla aussitôt en poussant d’horribles hurlemens. Ce drame barbare se termina par des danses désordonnées sur la tombe même du supplicié; ces danses se prolongèrent jusqu’au lever du soleil. Je renonce à décrire le caractère de férocité qu’offrait cette scène atroce, à laquelle la couleur noire des acteurs, rendue plus repoussante encore par de bizarres tatouages, donnait l’aspect sinistre d’un cortège de démons. Le roi seul était silencieux et impassible; ses yeux ne se détachaient pas de la femme adultère assise à ses pieds, à laquelle il avait, malgré son crime, conservé toute son affection. »

Le chef du Dahomey n’a pas le cœur si tendre pour l’épouse coupable, et elle partage inévitablement le châtiment de son séducteur. M. Forbes, à son passage à Alladah, eut une preuve de la rigueur des lois qui garantissent aux maris la chasteté de leurs femmes. Il aperçut au-dessus des murs du palais le crâne d’un individu trop curieux