Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/1048

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrivée, fut frappé d’admiration : devant lui se développait une splendide plantation de palmiers entremêlés de cultures; ici, du blé; là, des cotonniers; plus loin, des ignames ou du manioc. Cette magnifique habitation s’étendait sur un terrain onduleux, sec dans les lieux élevés, humide dans les bas-fonds, ce qui permettait d’y varier la végétation. M. Forbes avait souvent entendu vanter la fastueuse hospitalité des Souza. Sur la foi de ces récits, il avait apporté dans cette excursion le plus vif appétit. On offrit d’abord des cigares, et le propriétaire de la plantation soumit à l’examen de ses hôtes diverses espèces de noix de palmier, d’où l’on extrait l’huile. L’appétit du commandant, irrité par l’acre fumée du tabac, devenait de plus en plus impérieux. Aussi M. Forbes, après avoir éprouvé une admiration véritable, n’exprimait-il plus qu’une admiration toute de complaisance. Une heure entière s’écoula, et les Souza tombèrent, l’un après l’autre, dans un profond sommeil. L’un d’eux se souleva pourtant sur son séant entre deux songes, et, les regards effarés de l’officier anglais ayant attiré son attention, il lui offrit poliment... un verre de rhum, que celui-ci refusa avec indignation. « Peu familiarisé avec la langue portugaise, dit M. Forbes en racontant sa mésaventure, je crus mètre trompé sur le sens de l’invitation qui m’avait été faite par MM. de Souza, et je ne doutai plus de mon erreur, lorsque je vis tirer d’une caisse et exposer sur l’herbe un ragoût de viande cuite dans de l’huile rance, du biscuit et des ignames. Je pris ma part de ce festin que la faim même ne me fit pas trouver passable, et, après avoir dépêché les morceaux, je me levai, heureux de quitter le banquet et d’en détruire l’arrière-goût en fumant un nouveau cigare. Je me mis à errer de côté et d’autre, incapable de surmonter ma mauvaise humeur, ne sachant si j’avais mal compris l’invitation qui m’avait été adressée, ou si j’étais tout simplement puni, comme je le méritais, pour avoir accepté les politesses d’un négrier. Un sentier sinueux me ramena vers mes hôtes, sous l’ombre du bois de palmiers, qui me fit alors l’effet d’une oasis au milieu du désert. La lampe merveilleuse d’Aladin n’aurait pas opéré un changement plus rapide et plus magique : une nappe blanche comme le lait était étendue sur des nattes, elle était couverte des mets les plus délicats et de vins de France, d’Espagne, de Portugal et d’Allemagne. Toutes les pièces de ce service étaient d’argent massif. »

D’après ce récit, où perce une gourmandise naïve et tout anglaise, on peut se faire une idée des produits de l’agriculture sur cette terre si fertile, qui n’attend que le contact de l’homme civilisé pour donner les plus abondantes preuves de sa fécondité. Personne n’ignore combien est grande l’aptitude des Africains pour les travaux de la terre. Nulle part cette aptitude ne se révèle avec plus d’éclat que dans le royaume de Dahomey. L’agriculture est loin d’y être