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Cependant on le voit encore en 1817 quitter sa retraite et paraître dans une réunion des électeurs de Middlesex pour proposer une pétition contre la suspension de l’habeas corpus. Il mourut le 22 décembre 1818. Il avait été fait baronnet en 1806.

Tant que Junius écrivit, Francis ne fut pas même soupçonné. Quarante ans s’écoulèrent sans que l’on pensât à lui ; mais dès qu’en 1816. M. Taylor l’eût dénoncé au monde comme le Junius véritable, cette opinion obtint beaucoup de faveur, et voici comment on peut l’établir.

Sir Philip Francis annonça dès son enfance des talens distingués. Ses études classiques étaient excellentes. Tout jeune encore, il fut comme initié dans le monde politique, puisqu’il remplit dès-lors un emploi de confiance auprès de Fox et de Pitt. Toute sa vie, il leur resta fidèlement attaché. Sa reconnaissance pour le premier, dont son père était l’ami et le chapelain, explique les sentimens bienveillans que Junius exprime une fois envers sa personne et le silence qu’il garde sur sa politique. L’admiration de Francis pour lord Chatham n’a pas besoin d’explication, car il pensait comme lui. On comprend par ses débuts mêmes comment, simple commis de la guerre, il pouvait considérer les affaires publiques du point de vue des hommes d’état, parler leur langue, pénétrer leurs intentions, connaître leur caractère, leurs relations, leurs mœurs, puiser enfin ses informations aux sources les plus élevées. On sait d’ailleurs que le jeune Francis avait d’intimes liaisons avec John Calcraft, qui, après avoir, comme lui, servi lord Holland. devint le correspondant exact et l’agent dévoué de lord Chatham, un de ces hommes politiques subalternes à qui manquent les talens qui rendent célèbre, mais non l’intelligence et l’activité qui rendent utile. Calcraft, dont on a beaucoup de curieuses lettres, était parfaitement versé dans les secrets du monde politique. Il pouvait tenir Francis au courant et l’employer au service de son patron. Qu’il fût dans la confidence et les intérêts de Francis, en voici une preuve : il écrivit le 12 janvier 1772 à Almon, éditeur d’un journal de l’opposition. : « Faites un paragraphe pour dire que M. Francis est secrétaire suppléant de la guerre, » et six jours après, la nouvelle se trouvant fausse, il lui récrit qu’il le savait bien, mais qu’il désirait cette nomination très bien méritée, et qu’il espérait la faire arriver en l’annonçant. Le 20 mars, Francis perdit sa place ; le Vétéran en parla trois jours après, et, dès le jour même, Calcraft avait ajouté à son testament un codicile ou il léguait à Francis une somme de 1,000 livres, et à sa femme une annuité viagère de 250. Si Calcraft prenait si fort à cœur les intérêts de son jeune ami, on doit peu s’étonner que le commis de lord Barrington, informé, jour par jour, des incidens de son administration. les suivît avec sollicitude, se passionnât pour ceux