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sent du même droit d’inviolabilité. Cet usage singulier repose sur un préjugé passé en proverbe et qui dit qu’un cheval ne conduit jamais à la victoire celui qui s’est rendu coupable de trahison. Cependant le droit d’asile n’est pas étendu à toutes les écuries, l’abus serait trop grand ; mais il est consacré à l’égard de celles du roi, des principaux personnages et des ministres étrangers.

Le sérail se compose de plusieurs édifices ou palais séparés qui s’élèvent au milieu de grands jardins. La porte par laquelle on y pénètre ouvre sur le Meidân ; elle a le nom de porte de la Félicité, — Deri-sa-Adet. Au-dessus s’élève un pavillon dont le centre, garni d’une immense fenêtre, est un salon réservé au châh, pour les occasions où il lui prend fantaisie de voir manœuvrer ses troupes, ou d’assister aux divertissemens du Baïram. L’entrée du sérail de Téhéran est interdite à tout le monde. La seule portion qui en soit accessible est celle qu’on rencontre après avoir passé devant les corps-de-garde et les salles où se tiennent les officiers de service. On entre dans une cour plantée de grands arbres à l’ombre desquels une eau fraîche et limpide coule dans des bassins et des canaux de marbre. Cette cour est fermée par des murs sur lesquels on a, comme ornemens, figuré des arcades enjolivées de dessins variés, agencés au moyen de petites briques coloriées. À l’autre extrémité de cette enceinte d’honneur s’élève le takht-i-khânéh ou la salle du trône. Le takht-i-khânéh forme le centre d’un petit édifice dont les deux ailes contiennent des salons réservés pour les personnages que le châh daigne admettre comme spectateurs aux cérémonies de sa cour.

La salle du trône n’est point fermée ; une ouverture, qui règne dans toute sa largeur et sur toute sa hauteur, la laisse voir en entier. Deux colonnes torses magnifiques, faites chacune de trois blocs d’albâtre, soutiennent l’entablement de la façade : le fût de ces colonnes est d’un seul morceau ; elles ont environ neuf mètres de haut. Sur les spirales sont délicatement peintes en vert et en or des guirlandes de fleurs, autour desquelles s’enroulent des plantes grimpantes. Les côtés ou pied-droits de cette devanture sont couverts de miroirs encadrés d’or et incrustés dans le mur. Le soubassement de la façade est garni de plaques d’albâtre sculpté. À la partie supérieure de l’édifice règne, sur toute la longueur, un auvent en bois découpé et peint, destiné à défendre l’intérieur de la salle royale contre les rayons verticaux du soleil. Un immense rideau ou perdàh, en toile double, orné d’arabesques peintes, et qu’un système de poulies permet de baisser ou de replier sur lui-même, forme au-dessus de la salle une sorte de tente qui n’y laisse pénétrer qu’un mystérieux demi-jour. Le salon royal est d’une grande magnificence : des portraits de rois, de héros, de femmes, des tableaux de batailles, couvrent tous les panneaux ; des arabesques, des miroirs de toutes grandeurs et découpés de mille manières, de