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Pendant les quelques minutes données à l’accomplissement de ces formalités, j’avais observé attentivement les physionomies et les costumes étranges qui nous entouraient. Le fils et le neveu du gouverneur, qui se tenaient à la tête de l’escorte, étaient deux jeunes gens dont la figure presque enfantine contrastait singulièrement avec leurs uniformes taillés à la mode européenne. L’un de ces jeunes gens, qui n’avait guère que treize ou quatorze ans, était vêtu d’une redingote verte, à boutons d’argent, avec des paremens de velours amarante ; il s’était chargé les épaules d’une énorme paire d’épaulettes dorées, et à sa ceinture se balançait un grand sabre soutenu par des agrafes en or émaillé ; ses petites jambes étaient enfermées dans de larges pantalons dont l’extrémité disparaissait sous de fortes bottes à cœur et à glands. L’autre, un peu plus âgé, était affublé de la même manière que son compagnon, à la couleur de la redingote près, qui était écarlate ; celui-ci avait le grade de colonel. C’était sous les ordres de ces deux commandans à visage imberbe que marchait une troupe de cent cavaliers à mine rébarbative, qui nous enveloppèrent, après l’échange des premières salutations, de façon à décrire autour de nous comme un vaste cercle. Ainsi pressés de toutes parts, nous ressemblions beaucoup plus à des prisonniers conduits par une bande de brigands qu’au personnel d’une ambassade protégé par une garde d’honneur.

Les costumes de tous ces cavaliers étaient des plus bizarres et des plus variés. Les Kurdes surtout se faisaient remarquer par la sauvage originalité de leur accoutrement ; ils avaient presque tous des vestes de couleurs tranchantes, bleu clair, jaune vif ou rouge pourpre ; chaque cavalier portait autour des reins une large ceinture de cuir noir ou un châle qui retenait à droite un bouclier bombé, en peau de rhinocéros, orné de dorures, et à gauche un sabre très arqué, sans garde, serré dans un fourreau de chagrin noir. Quelques cavaliers avaient ajouté à cet attirail militaire un pistolet dont la crosse, passée derrière le dos dans leur ceinture, était entourée d’un long cordon jeté en sautoir autour de leur cou. Deux ou trois petits sacs de cuir suspendus à ce cordon renfermaient de la poudre, des balles et des pierres à feu. De larges pantalons bleus ou blancs, recouverts du haut par une petite jaquette, flottaient sur le coude-pied ou étaient serrés par des rubans au-dessus de la cheville. La chaussure se composait de bottes de cuir rouge ou de souliers dont la semelle allongée et relevée en pointe rappelait exactement la forme des babouches chinoises. Tous ces Kurdes portaient de hauts bonnets pointus en feutre fauve, retenus par un turban, ou de grosses calottes rouges, entourées d’un chiffon jaune à points noirs, dont les bouts déchiquetés flottaient assez gracieusement sur leur cou nu et hâlé. Tous aussi ils tenaient dans la main droite une lance faite d’un long bambou, terminée par un fer extrêmement effilé,