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sur l’un des plus grands événemens militaires du moyen-âge, des vues nouvelles et des rectifications d’autant plus importantes que cette bataille a été pour ainsi dire défigurée dans l’histoire générale. Parmi les livres ou les travaux qui se rapportent particulièrement à la ville de Beauvais, nous mentionnerons la description des deux grandes rosaces, de la cathédrale de cette ville, par M. l’abbé Barraud, la notice sur la Procession de l’assaut, par M. Danjou, et la Fête de l’Ane, de M. l’abbé Corblet. Cette cérémonie burlesque, que l’on a dans ces derniers temps classée parmi les drames liturgiques, fut instituée dans le cours du IXe siècle. Le 14 janvier de chaque année, une jeune fille, montée sur un âne et tenant un enfant dans les bras, pour représenter la fuite en Égypte, se rendait de la cathédrale à l’église Saint-Étienne. La jeune fille portait une chape d’or, l’âne était magnifiquement caparaçonné ; le clergé les introduisait en grande pompe dans le sanctuaire, et pendant la célébration de l’office, le Kyrie, le Gloria, le credo, se terminaient toujours par ce cri trois fois répété : Hi, han ! Après l’épître, on chantait la prose de l’âne, dont chaque couplet avait pour refrain :

Hez ! sire âne, car chantez,
Belle bouche rechignez,
Vous aurez du foin assez
Et de l’avoine à plantez.

Ce que nous avons dit de l’esprit historique de l’Artois et de la Flandre s’applique également à la Picardie C’est la même exactitude, la même préoccupation positive des faits, et, pour tout ce qui touche aux questions politiques dans le passé comme dans le présent, le même sentiment d’ordre et de liberté sage.


III. – ILE-DE-FRANCE, CHAMPAGNE ET LORRAINE. – L’ACADEMIE DE REIMS. – POLEMIQUE ARCHEOLOGIQUE ENTRE SENS ET PROVINS. – NOUVELLES RECHERCHES SUR L’HISTOIRE DE LORRAINE.

Dans l’Ile-de-France et la Champagne, la renaissance des études historiques a surtout été marquée par la création de plusieurs sociétés savantes. L’académie de Reims, qui date de 1841, a mis au jour, depuis cette époque, seize volumes de mémoires, et elle a signalé ses débuts en faisant imprimer à ses frais, pour une somme de 19,000 francs, l’Histoire de la cité, ville et université de Reims, par le bénédictin dom Marlot. On connaissait déjà de cet érudit l’ouvrage intitulé : Metropolensis Remensis historia, en deux volumes in-folio ; mais le texte français inédit, publié par l’académie de Reims en quatre volumes in-quarto, est bien autrement intéressant que l’ouvrage latin. L’académie de Reims travaille en outre à une traduction annotée de Flodoard, et elle prépare la publication des documens relatifs à la vie de Gerbert, documens inconnus jusqu’à ce jour et qui ont été rapportés de Rome par M. Gousset, lors de sa promotion au cardinalat. Gerbert, moine français, l’un des plus grands esprit du moyen-âge, après avoir été précepteur du roi Robert, fut, on le sait, archevêque de Reims ; il mourut pape en 1003, sous le nom de Sylvestre II, et c’est à lui qu’on attribue l’une des plus belles inventions de l’industrie humaine,