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La plus notable de ces sociétés, celle des antiquaires de Picardie, vient de publier le tome XI de ses Mémoires, ainsi que la première livraison de l'introduction à l’Histoire générale de la Picardie par le bénédiction dom Grenier, qui, dans le XVIIIe siècle, fut chargé par le gouvernement d’écrire l’histoire de cette Province, et dont les manuscrits, qui forment à eux seuls une bibliothèque considérable, sont conservés dans le dépôt de la rue Richelieu. La société des antiquaires de Picardie, en se constituant, s’est placée sous le patronage de l’un des savans les plus célèbres de l’Europe, l’Amiénois Ducange ; elle a dignement payé la dette de la reconnaissance publique envers la mémoire de cet homme vraiment extraordinaire en lui élevant une statue dans sa ville natale, et l’on peut dire aussi qu’elle se montre, par son zèle et ses travaux, jalouse de prouver que les traditions de ce maître illustre sont encore vivantes et fécondes dans la ville qui s’honore de l’avoir vu naître. Le dernier volume publié par cette laborieuse association contient le Glossaire étymologique et comparatif du patois picard ancien et moderne, de M. l’abbé Jules Corblet. Ce glossaire, disposé avec beaucoup d’ordre, se divise en deux parties distinctes, comprenant l’une l’histoire philologique du patois, l’autre un vocabulaire où sont réunis plus de six mille mots. Suivant M. Corblet, treize patois principaux se partagent l’ancienne France de la langue d’oïl : le wallon, dans le Nord et le Pas-de-Calais ; le rouchi, à Valenciennes ; le picard, le normand, l’austrasien, le champenois, le haut-breton, le poitevin, le saintongeois, le tourangeau, le berrichon, le bourguignon, le franc-comtois. De tous ces dialectes, c’est le picard, suivant l’auteur du Glossaire, qui a le mieux conservé la physionomie de la langue du moyen-âge, et qui a le plus influé sur la formation de la langue moderne. M. Corblet, que sa qualité d’enfant de la Picardie pourrait faire accuser de partialité, invoque à l’appui de cette opinion le témoignage d’hommes qui, dans ces derniers temps, se sont occupés avec succès des origines de notre langue, MM. Gustave Fallot et Génin, et cette opinion nous paraît de toute justesse. Les formes grammaticales, l’orthographe, la prononciation, la syntaxe de l’idiome picard, sont étudiées dans l’introduction du Glossaire avec beaucoup de sagacité ; on y trouve aussi un curieux chapitre sur les proverbes, maximes et dictons, et de même que les formes grammaticales du picard moderne rappellent le génie de notre vieille langue nationale, de même les aphorismes de la sagesse populaire rappellent l’esprit à la fois naïf et railleur des trouvères les plus heureusement inspirés. Le travail de M. Corblet sera consulté avec fruit par les philologues, avec un vif intérêt par les Picards, et nous n’hésiterons pas à le proposer comme un modèle de méthode aux personnes savantes qui voudraient s’occuper des mêmes questions.

Le Bulletin de l’Athénée du Beauvaisis et les Mémoires de la Société académique de l’Oise méritent également d’être distingués. On y trouve, entre autres, un résumé historique de la musique en France, par M. Victor Magnien, résumé qui, sans avoir les développemens des mémoires de MM. Coussemaker et Bottée de Toulmont, renferme cependant des renseignemens utiles ; une étude de M. Auguste Morel sur l’abbé Dubos, considéré comme critique, comme diplomate et comme historien ; un mémoire de M. de Pongerville sur l’invasion du roi d’Angleterre Édouard III en 1346, invasion qui fut marquée par la sanglante défaite de Crécy. Ce mémoire, qui intéresse à la fois l’histoire et la stratégie, offre,