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et depuis lors la ville ne cessa de lutter contre les capitaines qui partageaient avec le maire la police militaire de la cité. Du reste, chaque fois que, dans les guerres incessantes du moyen-âge, on fit appel à son courage, la milice d’Amiens se montra toujours prête à marcher. Elle combattit vaillamment à Bouvines, à Mons-en-Puelle, à Poissy, où elle fut écrasée par l’armée d’Edouard III le 16 août 1346 ; elle assista à une infinité de siéges, prit une part active aux affaires de la ligue, et de notre temps même on la retrouve au siége de Lille, à la défense de Cadzan et aux barricades de juin, au pied desquelles elle a laissé des morts. La publication de M. Janvier est intéressante, et curieuse surtout à comparer avec les études du même genre concernant les milices de Rouen et de Nantes ; mais nous aurions voulu plus d’ordre et de méthode, moins de phrases pittoresques au début, et surtout plus de développemens sur les expéditions militaires auxquelles la milice amiénoise, devenue garde nationale du chef-lieu de la Somme, a pris part de notre temps, car nous ne pensons pas, comme on l’a dit souvent, que les monographies locales doivent s’arrêter à 89 ; l’histoire contemporaine nous intéresse plus vivement par cela même qu’elle nous touche de plus près, et si on néglige de l’écrire, sous prétexte qu’elle est aujourd’hui connue de tout le monde, il est évident que, dans un siècle, elle ne sera plus connue de personne.

Peu de villes, on le voit, sont aussi riches qu’Amiens en publications historiques, et surtout en publications d’un genre aussi varié ; cependant ce n’est point tout encore, et tout récemment la vieille capitale de la Picardie s’est enrichie d’un précieux volume publié par M. Augustin Thierry. Ce volume, qui ouvre la série des Documens inédits relatifs au tiers-état, se compose de deux parties distinctes, comprenant, l’une une introduction dans laquelle M. Thierry expose, avec l’éclat de son grand style, l’origine et le développement du tiers-état, depuis le mouvement d’affranchissement du XIIe siècle jusqu’à la révolution de 89, — l’autre les documens qui concernent l’existence municipale de la ville d’Amiens jusqu’au XVe siècle. On a de la sorte, pour l’histoire politique de la France entière, une appréciation générale de l’un des faits sociaux les plus importans du passé, et pour l’histoire particulière un excellent spécimen de publication.

Dans le département de la Somme, les villes d’Abbeville et de Doullens, chacune selon son importance relative, ne sont point restées en arrière du chef-lieu. Sous le titre d’Antiquités celtiques et antédiluviennes, M. de Perthes a publié, à Abbeville, un livre qui touche tout à la fois aux questions les plus intéressantes de l’archéologie et aux plus hauts problèmes géologiques. Dans un ouvrage intitulé de la Création, M. Boucher de Perthes s’était attaché à cette idée que l’on devait tôt ou tard trouver les traces d’une race d’hommes antédiluvienne. Pour arriver à la preuve matérielle de cette assertion, il s’est livré aux plus actives recherches, et le résultat de ses recherches l’a conduit à conclure qu’il existait dans les bancs tertiaires, au milieu des débris de mastodontes et d’éléphans fossiles, des traces de la présence des hommes. Cette opinion, qui est en désaccord complet avec la science moderne trouvera nécessairement contradicteurs ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’il est résulté des recherches de l’auteur une très-belle collection d’objets provenant de ces races fortes et vaillantes qui nous ont précédés sur la terre de France quand elle portait un autre