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sortent de l’école ; elle les place en apprentissage et s’applique à les préparer à la vie réelle, dans laquelle ils vont bientôt avoir un rang à tenir. Dans des réunions du soir, des instructions religieuses auxquelles on a heureusement mêlé le chant des cantiques, tendent à tenir et à développer le sens moral. Inaugurée au mois de novembre 1849, cette institution a été parfaitement accueillie par les classes laborieuses. De cent trente, le nombre des jeunes ouvriers patronnés bientôt élevé à deux cents, et le local primitif est devenu trop étroit. En s’appliquant à un âge où les impressions reçues se gravent si profondément dans le cœur, une tutelle bienveillante et éclairée peut obtenir des résultats qu’il serait presque impossible d’espérer plus tard. Il n’y a pas plus de bons citoyens sans une éducation morale que de citoyens utiles sans une instruction spéciale. Réunir à l’apprentissage d’un métier un enseignement propre à élever l’ame, c’est agir à la fois selon l’intérêt de chaque individu et selon l’intérêt de la société tout entière.

Les associations religieuses de Lille répondent évidemment à des besoins réels et rendent d’incontestables services ; mais embrassent-elles tous les élémens de la vie de l’homme ici bas ? satisfont-elles à tous les instincts légitimes de l’ame ? Elles n’y prétendent pas ; elles ont un rôle défini et circonscrit, où le meilleur côté du cœur trouve un aliment. L’individu, considéré comme membre d’une grande association politique qui lui impose des devoirs, mais qui en même temps lui confère des droits, n’y est pas et ne pouvait pas y être entièrement compris. À défaut d’autres motifs, les divisions si tranchée auxquelles nous sommes en proie y auraient opposé un obstacle invincible. Est-ce une raison, d’ailleurs ; pour ne pas applaudir au bien très réel que produisent ces diverses institutions ? Parce que tout le champ n’a pas été défriché, devons-nous dédaigner la moisson dorée qui couvre une partie de sa surface ? Notre âge doit-il d’ailleurs prendre en jalousie les œuvres du sentiment religieux ? Quand le parti libéral, sous la restauration, se montrait si ombrageux à cet endroit, il avait au moins pour prétexte l’invasion momentanée du clergé dans le domaine de la politique. De 1814 à 1830, en effet, le clergé avait paru oublier que les pouvoirs publics ont plus besoin de la religion que la religion n’a besoin d’eux. Aujourd’hui, aller encore puiser ses inspirations dans l’esprit haineux du siècle dernier, c’est commettre un anachronisme sans excuse et se placer en dehors du courant de l’opinion publique. Disons-le : dans un temps comme le nôtre, où rien d’individuel n’est efficace, les idées de moralisation et de charité qui ont présidé à l’établissement des sociétés religieuses de Lille ont pris la bonne route pour agir sur l’esprit des masses.

Le socialisme de son côté on s’y attend bien, s’efforce d’exploiter l’esprit d’association si naturel à la population lilloise. Il a cherché à