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ensuite naître d’elle-même. Comme, d’ailleurs aucun système social ne peut se flatter sans folie de mettre l’individu à l’abri du malheur et de la souffrance, il y aura toujours une masse d’hommes que l’esprit chrétien seul pourra soutenir et consoler. Le côté de l’ame humaine que le socialisme laisse en dehors de lui, le sentiment religieux s’en empare pour ressaisir les coeurs. Les diverses associations lilloises fondées sous l’empire d’une idée chrétienne agissent dans ce sens. Bien qu’elles soient placées sur un théâtre restreint, bien qu’elles ne comprennent peut-être pas toute la portée de leur œuvre, elles tireur de la nature même des choses une influence vraiment sociale et politique. On compte à Lille cinq associations de cette espèce : la société de Saint-Joseph, a société de Saint-Vincent de Paul, celle de François-Xavier ; celle de Saint-François Régis et une société de patronage pour les jeunes ouvriers.

En parlant de la société de Saint-Joseph, un des hommes de la ville de Lille qui s’occupe avec le zèle le plus éclairé des associations religieuses me disait : « C’est un estaminet catholique. » Pris en bonne part, ce mot est exact. La société de Saint-Joseph n’a point pour objet des exercices religieux ou un enseignement moral : elle se propose de fournir à ses membres un moyen de passer honnêtement et agréablement la soirée du dimanche et celle du lundi, où les ateliers sont fermés. Elle possède à Lille une vaste maison pour l’hiver, et une belle villa à Esquermes pour les jours trop rapides de l’été : tous les jeux habituels des cercles sont réunis dans l’établissement de Lille, tous les exercices champêtres dans la maison de campagne. Une courte prière faite en commun, au moment où les portes se ferment et à laquelle on n’est pas obligé d’assister, rappelle seule que l’association se rattache à une idée religieuse. On s’en rapporte, quant au résultat, à cette règle générale, que toute institution suit la loi de son origine. Le nombre des membres s’élève environ à mille, dont la majorité se compose d’ouvriers des divers corps d’état ; il s’y joint des commis de magasin et quelques chefs d’atelier. La bonne intelligence et une sorte de cordialité fraternelle n’ont jamais cessé de régner entre ces divers élémens. Toute discussion politique est défendue dans la société, qui vise comme on voit, à moraliser le plaisir et à diminuer la clientelle du cabaret.

La confrérie de Saint-Vincent de Paul arrive aux masses populaires par la charité ; elle visite les familles pauvres et distribue des secours soit en nature, soit en argent : en adoucissant les rigueurs de la misère, elle tend à pacifier les cœurs et à resserrer les liens si réels, bien que souvent contestés de nos jours, qui unissent les différentes classes sociales. Oui, le président de cette société avait raison de le dire, il y a quelques mois, dans une circonstance solennelle, l’accomplissement