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en calculer la descente par des marques faites sur le bois de l’instrument.

Fort défiant de ces observations littéralement prises au vol, j’eus hâte ; à mon retour à Paris, de soumettre mes calculs à l’un des juges les plus compétens en pareille matière ; M. Babinet de l’Institut, et j’eus la satisfaction de voir que mes calculs pouvaient servir de base à quelques évaluations précises. Les renseignemens sur les différences de température observées pendant mon voyage furent comparés avec les registres de l’observatoire de Paris. On put ainsi évaluer avec certitude la distance maximum à laquelle je m’étais trouvé de la terre pendant la triple ascension des 5 et 6 juin, et « on arriva, m’écrivit M. Babinet, aux résultats suivans :

Hauteur maximum de la première ascension, 5 juin, à 6 h. 42 m. du soir : 1,820 mètres.
Hauteur maximum de la deuxième ascension, le 6 juin, à 5 h. 37 m. du matin : 3,760 mètres.
Hauteur maximum de la troisième ascension, le 6 juin, à 9 h. ¼ environ du matin : 6,310 mètres.

« Je vous engage à publier toutes vos observations, ajoutait M. Babinet, sans consulter leur concordance avec les idées reçues. La circonstance d’un voyage à ascensions multiples avec le même ballon et sans renouvellement de gaz leur donnera un intérêt pratique que n’ont pas eu jusqu’ici les voyages précédents. Il faut même donner ce que vous avez vu, ou ce que vous avez cru voir relativement à la boussole. » J’ai suivi ce conseil, et, si insuffisans que puissent paraître mes calculs, je n’ai pas cru devoir les séparer du récit de mon voyage ; je n’ai voulu écarter, comme hasardée ou inutile, aucune de mes observations. Ans cette voie si nouvelle que les aérostats ouvrent à la science, les plus petits détails ont leur importance, les particularités les plus en apparence peuvent devenir d’utiles jalons. Si pendant long-temps encore la navigation aérienne doit avoir ses dangers, il convient au moins qu’elle ne soit pas inutilement périlleuse, et que, dans ces mille excursions qu’on tente chaque jour entre ciel et terre, la part de la science soit faite aussi bien que celle d’une aventure use curiosité.


IVAN MATZNEFF.