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Mgr Forcade, qui devait être sacré à Manille, fut reçu à bord de la Cléopâtre, et deux nouveaux missionnaires, MM. Leturdu et Adnet, occupèrent sa place à Nafa. La division se dirigea, en quittant Ounting, vers les côtes du Japon. Le port de Nangasaki, les îles de la Corée, firent successivement apparaître le pavillon français. L’amiral eut besoin, pendant cette croisière, de toute son expérience pour guider les navires à travers les mille dangers de la route, de toute sa modération pour ne point user des forces imposantes qu’il tenait dans sa main. il pensa que, s’il fallait respecter les barrières que ces peuples ombrageux ont élevées entre eux et le reste du genre humain, il n’était point inutile de déployer quelquefois sous leurs yeux l’appareil de notre puissance. Nos baleiniers vont exercer leur périlleuse industrie jusque dans ces mers lointaines ; nos missionnaires vont y porter les lumières de la foi : oserait-on regretter la pression morale qui peut leur rendre ces côtes moins inhospitalières ? Cette campagne ne fut point du reste sans fruit pour la science. « La Sabine, commandée par M. Guérin, marin consommé et manœuvrier intrépide, avait reçu à son bord trois ingénieurs hydrographes, MM. Delaroche-Poncié, Estiguard et Delbalat. Ces ingénieurs levèrent, avec la précision que les officiers de ce corps distingué apportent dans tous leurs travaux, les plans des ports de Nafa et d’Ounting. Les îles semées sur la route des Lou-tcliou aux côtes du Japon, de Nangasaki aux côtes de la Corée, îles pour la plupart inconnues ou mal déterminées occupèrent enfin sur nos cartes la position que la nature leur assigna dans ces mers orageuses.

Cette expédition du nord fut la dernière campagne de l’amiral Cécille dans les mers de Chine. Il y avait près de cinq ans que, capitaine de vaisseau et commandant de l’Erigone, il était arrivé pour le première fois à Macao. Pendant cette longue station, il avait vu se développer des événemens d’une immense portée. Il en avait suivi et souvent pressenti le cours. Livré à ses propres inspirations, il dut prendre conseil des circonstances et assumer une responsabilité que l’absence d’un agent accrédité auprès du gouvernement chinois lui faisait un devoir d’accepter. Ce n’est que dans de rares occurrences que la marine voit ainsi s’agrandir son horizon ; mais on nous permettra de constater, du moins par cet exemple, que l’exercice du commandement, précédé des sérieuses études qu’exige le métier de la mer, n’est point une si mauvaise initiation à l’intelligence et à la pratique des affaires.

Du mois de janvier 1847, l’amiral Cécille transmit le commandement de la station de l’Indo-Chine à M. le capitaine de vaisseau Lapierre. Il ne pouvait remettre cette station en des mains plus loyales et plus capables. M. Lapierre venait de commander le vaisseau le Suffren sous les murs de Tanger de de Mogador, dans ces brillans combats dont le souvenir est deux fois cher à la France, quand il arbora son