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de Pe-king eût obéi à une autre impulsion que celle de la crainte, il se fût opéré un renversement complet dans la politique impériale, l’exemple de l’empereur eût entraîné sans doute le souverain du royaume annamite et celui de la Corée : la contagion eût peut-être gagné le Japon ; mais, dans l’édit de tolérance accordé aux chrétiens chinois, on ne vit, hors de l’empire comme au sein de l’empire même, que le résultat des obsessions étrangères, qu’une nouvelle humiliation imposée au fils du ciel. On ne songea donc qu’à se mieux garder contre cette intervention importune de l’Occident. L’amiral Cécille ne se laissa point décourager par les dispositions ouvertement hostiles des états tributaires de la Chine, et n’en épia qu’avec plus de soin l’occasion de faire pénétrer la clémence jusqu’au sein de ces monarchies barbares. Au mois de février 1843, il avait appris que cinq missionnaires français condamnés à mort étaient détenus dans les cachots de Hué-fou, capitale et siége du gouvernement annamite. Il se préparait à se rendre à Tourane, quand la corvette l’Héroïne arriva sur la rade de Macao. Ce bâtiment devait, en retournant à Bourbon, visiter plusieurs ports placés sur sa route, et Tourane en particulier. Le capitaine Favin-Lévêque reçut tous les renseignemens qui pouvaient faciliter la délivrance des prisonniers. Fier d’avoir à remplir une si belle mission, cet officier en assura le succès par la fermeté de ses demandes et la modération de sa conduite. Les mandarins comprirent qu’ils avaient devant eux un homme inébranlable que toutes leurs lenteurs ne parviendraient pas à lasser, et dont ils ne se débarrasseraient qu’en se décidant à le satisfaire. MM. Berneux, Charrier, Galy, Miche et Duclos furent remis au commandant de l’Héroïne. En Cochinchine, ce furent les premières victimes arrachées aux bourreaux. Deux années après cette heureuse expédition, Mgr Lefebvre, évêque d’lsauropolis, fut arrêté à son tour par les autorités cochinchinoises. Le capitaine de la corvette l’Alcmène, M. Fornier-Duplan, chargé par l’amiral d’une lettre pour le roi Thieu-tri, se rendit à Tourane, et, après une assez longue négociation, obtint la liberté du vicaire apostolique de la Cochinchine. Ce double service rendu par notre marine aux missions catholiques eut un salutaire effet. On cessa de rechercher aussi activement les prêtres européens, quand on eut reconnu que leur arrestation ne manquai jamais d’attirer sur les côtes du royaume annamite ce qu’on voulait éloigner avant tout, les navires de guerre étrangers.

La mission de Corée ne méritait pas moins d’intérêt que celle de Cochinchine. Depuis un demi-siècle, il y avait des chrétiens en Corée. L’Évangile y avait été apporté par un prêtre chinois venu de Pe-king ; en 1801, le gouvernement fut averti de la présence d’un étranger dans le royaume, et la persécution dispersa les membres épouvantés de cette chrétienté naissante. Ce fut vers 1834 que la Propagande confia aux