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III

Tandis que l’Angleterre assurait si laborieusement sa prépondérance commerciale en Chine, que faisait la France pour fonder son influence morale dans ces contrées lointaines ? Les intérêts qu’elle avait à y protéger ne le cédaient point par l’ancienneté de l’origine aux intérêts commerciaux. Du jour où l’Europe moderne, se frayant une route inconnue à l’ancien monde, put entrer en communication avec le Céleste Empire, la vieille civilisation de la Chine se trouva en présence des deux forces qui la sollicitent, encore aujourd’hui : les ports de l’extrême orient virent apparaître à la fois le commerce européen et la religion chrétienne, les marchands portugais et les missionnaires catholiques.

On sait avec quelle rapidité grandit et s’écroula l’église fondée au Japon par l’apôtre des Indes. Vers la même époque, les successeurs de saint François-Xavier annonçaient l’Évangile à la Chine, et pénétraient dans le palais des empereurs. Les membres de la compagnie de Jésus présidèrent le tribunal des Mathématiques, et portèrent la robe des mandarins. La bienveillance du souverain favorisa les progrès de cette illustre mission, et la naissante église s’assit sur le terrain mouvant de la faveur impériale. Il fallut user de ménagemens envers la religion politique de l’empire, lutter avec les envieux que suscitait la faveur du prince, subir le contre-coup des révolutions de palais, résister aux rivalités des autres ordres qui essayaient de porter à leur tour les lumières de la foi dans le Tong-king, dans les provinces du Fo-kien, du Che-kiang et de Canton. Ce premier édifice, ébranlé par des dissensions intestines, s’abîma sous les coups de la persécution. Les missionnaires le relevèrent ; mais cette fois ils ne comptèrent point, pour l’affermir, sur l’appui du bras séculier. Ils cherchèrent ailleurs qu’à la cour des auxiliaires et des prosélytes. L’oeuvre de l’Évangile s’accomplit en Chine comme aux temps de la primitive église. Ce fut aux pauvres gens des campagnes, aux pêcheurs, qui n’avaient d’autre demeure que l’océan ou les bords des fleuves, que ces hommes dévoués allèrent révéler les espérances d’une autre vie. Les conversions ne se comptèrent plus par milliers, mais les convertis résistèrent aux tortures et à la mort. Les néophytes chinois eurent la foi des anciens jours. Ce troupeau d’élite s’accrut lentement, au fond des provinces les plus reculées de l’empire, dans le Su-tchuen, dans le Hou-kouang, sur les confins de la Tartarie. L’Europe lui vint enfin en aide ; une association pour la propagation de la foi prit naissance en 1820 dans la ville de Lyon, et établit sa direction centrale à Paris. Les souscriptions arriveront bientôt de toutes les contrées catholiques. Sans atteindre