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chiffre de 1,600 millions. L’Inde britannique réclame la plus large part dans cette circulation féconde ; mais, après l’Inde anglaise, il faut nommer le Céleste Empire. Ce vaste continent livre au commerce étranger une valeur de 177 millions de francs en échange de 226 millions de produits bruts ou manufacturés que lui versent l’Inde et l’Occident. L’indépendance des États-Unis d’Amérique a été la cause première de cette révolution commerciale. Avant cette époque, on ne comprenait de commerce maritime qu’avec des colonies qu’un soin jaloux défendait de la concurrence étrangère. C’était vers l’extension indéfinie de ce domaine privilégié que tendaient tous les efforts. Ce que Cuba est devenu pour l’Espagne, Java pour la Hollande, Saint-Domingue et les Antilles l’étaient alors pour la France, la Jamaïque et les colonies d’Amérique pour l’Angleterre. Ces riches possessions représentaient toute la vie extérieure de leur métropole. Depuis l’émancipation des États-Unis, l’Angleterre a dû appuyer sa prospérité sur une plus large base ; son commerce colonial n’est plus que le quart de son commerce extérieur. L’Allemagne, les États-Unis reçoivent plus de produits anglais que les Indes et Ceylan, la Hollande leur ouvre un marché plus avantageux que l’Amérique du Nord, la France et le Brésil en consomment une plus grande quantité que les Indes occidentales. L’extrême Orient lui-même a sa place dans cette sphère agrandie, où nous voyons l’infatigable activité du commerce britannique entraîner à sa suite les intérêts rivaux des puissances européennes et des états du Nouveau-Monde.

La révolution commerciale qui a été le contre-coup de l’émancipation des États-Unis semblait imposer à la France une politique nouvelle. Il n’en a rien été cependant. La France est restée fidèle aux vieilles traditions Ses opérations avec les colonies presque insignifiantes qu’elle possède encore se sont élevées en 1847 à 90 millions, chiffre à peine inférieur à la somme de ses transactions avec le Brésil et les républiques de la Plata. Effectué tout entier sous notre pavillon, ce commerce réservé forme, depuis 1815, la base de notre navigation marchande ; il est fâcheux que ce soit aux dépens du libre progrès de nos relations avec le reste du globe et surtout avec l’extrême Orient. Ce n’est point là toutefois le seul obstacle qui entrave le développement de nos opérations dans ces contrées lointaines. La consommation plus ou moins considérable des principaux produits de Chine, le thé et la soie grège, détermine l’importance des échanges que l’on peut opérer avec les sujets du Céleste Empire. La Chine a besoin de vendre non d’acheter. À l’exception de l’opium et du coton de l’Inde, ce qu’elle accepte du commerce étranger, elle ne l’accepte qu’en vue de favoriser l’écoulement de ses propres articles. D’après une pareille donnée, il est facile de prévoir le rôle commercial que la